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L'A380, du rêve européen à la chute

Publié le 14/02/2019 13:58
© Reuters. L'A380, DU RÊVE EUROPÉEN À LA CHUTE
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par Tim Hepher

TOULOUSE (Reuters) - La faiblesse des ventes de l'A380 aura finalement eu raison du plus grand avion de ligne au monde, source d'émerveillement pour les passagers mais d'inquiétude pour les responsables financiers.

Après 12 ans d'exploitation, Airbus (PA:AIR) a annoncé jeudi l'arrêt de la production de son très gros porteur.

Cette décision met un point final à l'une des plus grandes aventures industrielles européennes et reflète le manque de commandes émanant des compagnies aériennes, qui n'ont pas adhéré à la vision d'Airbus selon laquelle les très gros appareils permettraient de décongestionner les aéroports.

Le trafic aérien connaît une croissance quasiment record mais il a principalement généré une demande pour des avions bimoteurs suffisamment maniables pour assurer des liaisons directes, plutôt que pour des quadrimoteurs encombrants obligeant les passagers à des transferts entre aéroports.

Bien que ses fervents partisans, comme Emirates, assurent que l'A380 est rentable quand ses 544 places sont occupées, chaque siège vide creuse potentiellement un trou dans les finances des compagnies aériennes en raison du carburant nécessaire pour faire voler l'énorme structure à deux étages.

"C'est un avion qui effraie les directeurs financiers des compagnies aériennes, le risque de ne pas vendre autant de places est tout simplement trop élevé", souligne un haut responsable de l'industrie aérospatiale.

Autrefois considéré comme le pendant industriel de la monnaie unique européenne, la disparition de ce symbole européen mondialement reconnu coïncide avec les tensions politiques croissantes entre la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne et l'Espagne qui ont participé à son élaboration.

Le contraste est frappant avec l'unité et l'optimisme qui entouraient sa présentation aux dirigeants européens en 2005.

Le Premier ministre britannique de l'époque, Tony Blair avait qualifié l'A380 de "symbole de puissance économique", tandis que son homologue espagnol, Jose Luis Rodriguez Zapatero, avait évoqué la "réalisation d'un rêve".

DES SIGNES ANNONCIATEURS DE LA CHUTE DÈS 2005

Les passagers ont été émerveillés par le géant européen, qui rappelait beaucoup le 747 de Boeing (NYSE:BA).

Dans un premier temps, les compagnies aériennes se sont empressées de passer des commandes, s'attendant à réduire leurs coûts d'exploitation et à augmenter leurs bénéfices, alors que le secteur du tourisme, qui tournait au ralenti depuis les attentats du 11 septembre 2001, retrouvait sa dynamique.

Airbus assurait qu'il réussirait à vendre 700 à 750 A380, dont chaque exemplaire coûte aujourd'hui 446 millions de dollars (396 millions d'euros) au prix catalogue, et que le Boeing 747 deviendrait obsolète.

En fait, les commandes d'A380 ont à peine franchi le seuil des 300 et le 747, joyeux quinquagénaire depuis cette semaine, a survécu à son concurrent.

Les signes de la chute de l'A380 étaient déjà présents, en coulisses, lors de la soirée de lancement de 2005, assurent certains initiés.

En dépit de l'unité affichée, les fissures dans la coopération franco-allemande affleuraient. Elles ont favorisé cet échec industriel. Lorsque l'A380, dont la mise en exploitation a été retardée, a finalement été commercialisé en 2007, la crise financière mondiale commençait à se faire sentir. Le gigantisme et l'opulence n'étaient plus de mise. Les ventes ont ralenti.

Dans le même temps, les motoristes, qui avaient promis à Airbus une décennie de gains d'efficacité incomparables avec leurs nouveaux moteurs pour gros porteurs, ont développé une nouvelle génération encore plus efficace pour avions bimoteurs, leur permettant de mieux concurrencer l'A380.

Le conseil d'administration d'Airbus a fini par exiger un retour sur investissement et des prix plus élevés au moment même où l'avion avait désespérément besoin d'une relance agressive et de nouveaux investissements, selon des sources du secteur.

"C'était un triple coup dur", souligne une personne au fait du dossier.

AIR FRANCE NE DEVRAIT PAS VERSER DE LARMES

En dépit de ses propres problèmes industriels, Boeing a gagné du terrain avec son dernier appareil, le 787 Dreamliner, conçu pour contourner les hubs desservis par l'A380 et ouvrir des liaisons entre les villes secondaires.

Airbus s'est entêté à croire que les déplacements entre les mégapoles domineraient le transport aérien.

Les faits ne lui ont pas donné raison. Les villes intermédiaires croissent presque deux fois plus vite que les mégapoles, selon un rapport publié en 2018 par l'Organisation de coopération et de développement économiques.

Cette évolution démographique a constitué une aubaine pour les moyen-courriers comme les Boeing 787 et 777 ou l'A350 d'Airbus, qui se vend trois fois plus que l'A380.

Le président exécutif d'Airbus, Tom Enders, avait déjà l'intention de mettre fin au projet il y a environ deux ans mais il s'est laissé convaincre de lui donner une dernière chance.

L'impossibilité de parvenir à un accord avec la compagnie Emirates, étant donné le blocage des négociations sur la motorisation, a donné le coup de grâce au programme.

"Airbus a tendance à considérer (l'A380) comme un produit phare, Enders l'examine et constate un manque de commandes", remarque un proche du dirigeant, qui cédera sa place en avril à Guillaume Faury.

Certains professionnels redoutent qu'avec la livraison du dernier A380 en 2021, Airbus ne perde un précieux symbole de fierté et d'audace.

Les patrons des compagnies aériennes souhaitent avoir la garantie qu'Airbus fournira des pièces de rechange à l'A380 dans les années à venir. Nombre d'entre eux ont misé sur cet appareil et les aéroports ont également beaucoup investi dans de nouvelles installations.

© Reuters. L'A380, DU RÊVE EUROPÉEN À LA CHUTE

Certains clients comme Air France (PA:AIRF) et Lufthansa (DE:LHAG) pourraient cependant ne pas verser beaucoup de larmes, estiment des analystes. Les deux compagnies ont elles aussi investi dans l'A380 mais elles pourraient être soulagées de voir leurs concurrentes du Golfe privées d'une arme puissante.

(Version française Catherine Mallebay-Vacqueur, édité par Bertrand Boucey)

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