par Tim Hepher
LONDRES (Reuters) - Un juge britannique a rejeté mardi une demande de Qatar Airways visant à obliger Airbus (EPA:AIR) à continuer de construire des avions à réaction A321neo pour la compagnie aérienne du Golfe, ce qui constitue un revers pour le transporteur dans le cadre d'un différend plus large avec l'avionneur français.
Airbus a annulé en janvier dernier une commande de plusieurs milliards de dollars passée par Qatar Airways pour 50 A321neo, en représailles au refus de la compagnie aérienne de prendre livraison de nouveaux A350, dans le cadre d'un litige concernant la sécurité des jets.
Le juge a rejeté l'argument du Qatar selon lequel il ne pouvait pas obtenir d'appareils similaires pour combler le déficit de l'offre d'A321neo, par exemple en se tournant vers le marché du leasing ou en déployant les jets 737 MAX qu'il a provisoirement commandés à Boeing (NYSE:BA).
En conséquence, le plus grand constructeur d'avions au monde est de nouveau libre de commercialiser les A321neo, très demandés, auprès d'autres compagnies aériennes.
La décision du constructeur aéronautique européen de rompre ce contrat a alarmé certaines compagnies aériennes, l'Association internationale du transport aérien disant considérer ce développement comme "inquiétant" dans un pan du marché dominé par Airbus.
Le directeur de la compagnie Emirates de Dubaï a ainsi déclaré n'être "pas insensible" aux retombées de cette décision sur son principal concurrent régional.
Pour justifier sa démarche, Airbus a mis en avant une clause dite de "manquement croisé" figurant dans les contrats et qui l'autorise selon lui à se désengager d'un contrat quand l'autre n'est pas respecté par une compagnie aérienne.
Certains cadres du secteur aérien s'inquiètent que l'affaire puisse faire jurisprudence et ouvre ainsi la voie à des litiges qui se répercuteraient d'un contrat à l'autre, avec pour effet de renforcer la mainmise d'Airbus et de son concurrent américain Boeing.
"Les gens vont regarder cela et faire très attention à résister à de telles clauses de manquement croisé", a déclaré le responsable d'une grande flotte aérienne.
Cette bataille judiciaire a aussi permis de briser le secret entourant plus d'une décennie de négociations et de lever le voile sur des méthodes de planification très secrètes au sein de l'industrie aéronautique mondiale.
Une audience de la Haute Cour de Londres doit se pencher plus tard ce mardi sur le calendrier de ce qui s'apparente à un procès de divorce très suivi entre deux entreprises, bien que certaines sources gardent l'espoir d'un possible règlement à l'amiable du litige.
(Reportage Tim Hepher; version française Jean Terzian et Augustin Turpin, édité par Kate Entringer)