Le shutdown le plus long de l’histoire des Etats-Unis se poursuit, sans avancée concrète permettant de miser sur une résolution rapide, et les conséquences sur l’économie pourraient se révéler bien concrètes.
Alors que cette situation dure depuis près d’un mois, faisons le point sur ce dossier, ainsi que sur ses potentielles conséquences sur l’économie US et les marchés financiers.
Qu’est-ce que le « government shutdown » ?
La Constitution américaine prévoit que le Congrès valide régulièrement des lois de financement pour approuver les dépenses du gouvernement fédéral. Ces lois de financement peuvent couvrir quelques semaines, quelques mois, ou même une année, et elles peuvent financer tout ou partie du gouvernement.
Lorsqu’une loi de financement expire, une nouvelle doit être votée pour que le gouvernement continue de fonctionner. Ainsi, 20 « government shutdown » ont eu lieu au cours des 40 dernières années, la plupart ayant pris place dans les années 70 et 80.
Il faut cependant noter que ce n’est pas la totalité du gouvernement qui cesse de fonctionner. Les programmes vitaux tels que les Armées, Medicare ou la Sécurité Sociale continuent de fonctionner. Mais le reste du gouvernement est plus ou moins à l’arrêt, avec pas moins de 800.000 fonctionnaires au chômage forcé ou contraints de travailler sans salaire.
Cela a d’ailleurs donné lieu à une situation plutôt inhabituelle la semaine dernière, le président Trump ayant reçu à la Maison Blanche les champions nationaux universitaires de football américain, les Clemson University Tigers, auxquels il a offert des hamburgers et des pizzas pour le diner, les cuisines de la Maison Blanche étant à l’arrêt en raison du shutdown :
Pour comprendre la crise actuelle, il est également important de souligner que ce fonctionnement est souvent utilisé à des fins politiques, surtout lorsque le Congrès présente une couleur différente de la Maison Blanche. C’est actuellement le cas, avec un Congrès à majorité Démocrate depuis les élections de Midterms.
Le Mur à la frontière avec le Mexique, principal point de blocage entre la Maison Blanche et les Démocrates
Pour résumer, les Démocrates refusent donc de valider la loi de financement du gouvernement Trump.
Pourquoi ?
Le principal point de désaccord concerne le financement du projet de mur à la frontière avec le Mexique de Donald Trump, pour un montant de 5.7 milliards de Dollars, un projet refusé par les démocrates.
Donald Trump a bien tenté de proposer une barrière en acier à la place d’un mur de béton, afin de réduire drastiquement le coût, mais les Démocrates s’opposent à ce projet aussi bien pour des raisons de financement que pour des raisons idéologiques, et dans ce contexte, l’impasse perdure, les deux camps restant sur leurs positions.
Les élections présidentielles de 2020 sont dans tous les esprits, et la question du mur avec le Mexique est aussi cruciale pour l’une ou l’autre des deux parties. En effet, valider un mur physique à la frontière avec le Mexique déplairait fortement à l’électorat Démocrate, et Trump de son côté veut remplir cette promesse de campagne, certain que ce mur lui permettra de brandir des chiffres éloquents en termes de lutte contre l’immigration clandestine et de sécurité intérieur quand se posera la question de sa réélection.
Combien de temps le shutdown peut-il encore durer ?
En théorie, le shutdown peut durer indéfiniment. La seule issue semble donc un fléchissement de l’un ou l’autre des deux camps, mais à ce stade, cela semble peu probable.
Toutefois, le shutdown a des conséquences bien réelles pour les 800.000 fonctionnaires au chômage forcé, qui vivent une situation de plus en plus délicate, et la pression politique pourrait finir par faire céder la Maison Blanche ou les Démocrates.
La question de savoir où se situe l’opinion publique, en d’autres termes de savoir si les Américains considèrent que le shutdown est à mettre sur le dos de Trump ou sur celui des Démocrates, pourrait donc se révéler cruciale pour déterminer comment le pays sortira de l’impasse.
Il existe cependant deux autres issues possibles, plus extrêmes, qui doivent également être prises en compte :
Trump pourrait en effet décider de régler la question du financement du mur avec le Mexique avec une procédure d’urgence nationale, ce qui déclencherait sans aucun doute une sévère bataille politico-judiciaire que Trump souhaite sans doute éviter…
Il est également possible que certains députés Républicains s’allient aux Démocrates pour faire passer, avec une majorité excluant un véto présidentiel, une loi de financement excluant le mur avec le Mexique, mais là aussi, une « rébellion » du camp de Trump semble aussi difficile à imaginer…
Des conséquences difficiles à prévoir sur l’économie US
L’actuel shutdown est le plus long de l’histoire des Etats-Unis. Il est donc difficile d’évaluer par expérience les conséquences potentielles sur l’économie.
Toutefois, avec 800.000 fonctionnaires au chômage depuis bientôt un mois, il n’y a pas à douter que le shutdown aura des conséquences mesurables sur la croissance américaine au premier trimestre 2019, via une consommation en retrait.
Jamie Dimon, le CEO de la banque JP Morgan, estimait d’ailleurs cette semaine sur CNBC que si le shutdown se poursuivait jusqu’à la fin du T1, la croissance serait réduite à 0 sur la période.
Plusieurs banques ont à ce propos déjà abaissé leurs prévisions pour la croissance US au T1, ING (AS:INGA) s’attendant par exemple à une croissance limitée à 1.7% au premier trimestre de cette année. La banque estime par ailleurs que chaque semaine de shutdown coûte 0.1 point de croissance à l’économie US.
Le shutdown retarde par ailleurs plusieurs projets de Trump destinés à soutenir la croissance, notamment en termes de dérégulation financière, ce qui pourrait peser sur le moral et les anticipations du secteur bancaire.
Enfin, il ne faut pas oublier que ce shutdown arrive à un moment où le marché repense ses anticipations en ce qui concerne la politique monétaire de la Fed, avec un récent « tournant dovish ». Plus le shutdown perdure, et grève la croissance US, plus il est probable que la Fed décide de ne pas remonter ses taux en 2019…
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