- Le sommet européen des 18 et 19 octobre précise les contours de la future union bancaire.
- La supervision unique serait étendue à 6 000 banques et dévolue à la BCE, qui s’appuiera néanmoins largement sur les autorités nationales et locales pour le contrôle des petits établissements.
- La mise en place prendra du temps : toute ou partie de l’année 2013, avec pour objectif une supervision unique effective au 1 er janvier 2014.
- D’ici là, le MES ne pourra qu’indirectement recapitaliser les établissements les plus fragiles,notamment les caisses d’épargne espagnoles, via des prêts aux Etats.
- Il y a des progrès, même si de nombreuses incertitudes demeurent, quant à l’ampleur des risques partagés (dettes héritées du passé ou pas) ou à la place donnée aux Etats européens non membres de la zone euro dans l’union bancaire.
Nous revenons ci-dessous sur les enjeux et l’issue du sommet
des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE des 18 et
19 octobre. Les différends étaient trop importants pour aboutir à
des conclusions définitives, reportées à décembre. Le sommet
permet, néanmoins, de préciser les contours de la future union
bancaire.
L’union bancaire
Lors du sommet des 28 et 29 juin, les chefs d’Etat ont annoncé
leur projet de créer rapidement une union bancaire européenne.
Une fois celle-ci réalisée, le Mécanisme européen de Stabilité
aura la possibilité de recapitaliser directement les banques en
difficulté. Fin juin, les Etats avaient laissé entendre que ce
mécanisme pourrait bénéficier, au moins rétroactivement, à
l’Espagne, voire à l’Irlande. Une telle opération améliorerait de
façon très nette la solvabilité de ces Etats.
La Commission a rendue publiques ses propositions le
12 septembre dernier 1 . Il s’agit de mettre en place un règlement
uniforme et une supervision unique du secteur, de créer un
dispositif mutualisé de garantie des dépôts, ainsi qu’un
mécanisme européen de liquidation bancaire. La supervision
unique, placée sous l’égide de la BCE, pourrait être à pied
d’œuvre dès le début 2013.
Le rapport intérimaire « des quatre présidents » approuve ce
programme, de même que la France. Interviewé cette semaine
par plusieurs quotidiens européens, F. Hollande en a clairement
fait une priorité, et laisse entendre qu’il n’acceptera pas de
discuter des autres « piliers » de l’union économique et monétaire
(union budgétaire, union politique, cf. infra) tant que celle-ci ne
sera pas sur les rails.
A l’inverse, l’Allemagne n’a de cesse de freiner ce chantier. Elle
trouve les délais envisagés trop courts et est réticente à l’idée
d’accorder la supervision de l’ensemble des secteurs bancaires, y
compris les plus petits établissements, à la BCE. Dans un récent
communiqué de presse, les ministres des Finances allemands,
néerlandais et finlandais ont en outre remis en cause l’idée
qu’une fois la supervision unique en place, le MES puisse se
substituer aux Etats s’il s’agit d’assumer des difficultés héritées
du passé (c'est-à-dire nées lorsque la supervision était encore
nationale).
Les avancées : étant donné la complexité du projet d’union
bancaire (en matière de périmètre, de relation avec les Etats
membres de l’union européenne mais pas de la zone euro, etc..),
les dirigeants sont convenus d’établir un cadre législatif de la
supervision unique d’ici le 1 er janvier 2013, mais qu’ensuite sa
mise en œuvre pratique, au sein de la BCE, prendra plusieurs
mois. Celle-ci sera donc effective « au cours de 2013 », au plus
tard au 1 er janvier 2014.
Le principe d’une BCE ayant compétence sur l’ensemble des
banques semble acquis, mais celle-ci déléguerait ses activités
aux régulateurs nationaux « autant qu’il est possible ». Une fois
cette supervision effective, le principe d’une recapitalisation
directe des secteurs bancaires par le MES est réaffirmé, mais le
point de savoir si l’Espagne et l’Irlande pourront être
rétroactivement concernées n’est pas éclairci.
L’intégration économique, budgétaire et politique
Les présidents du Conseil Européen (H. Von Rompuy), de la
Commission européenne (J.L. Barroso), de l’Eurogroup (J-C.
Juncker) et de la Banque Centrale Européenne (M. Draghi) ont
publié un rapport intérimaire sur la mise en œuvre d’une
« véritable union économique et monétaire ». L’objectif reste de
fournir un programme et un calendrier complet de réformes au
sommet européen de Décembre.
En matière budgétaire, le rapport des « quatre présidents »
propose de développer progressivement une « capacité
budgétaire » de l’UEM, un mécanisme qui, sans être clairement
défini, permettrait à un ou plusieurs pays subissant des chocs
spécifiques (asymétriques) de bénéficier d’un soutien partiel de
l’ensemble de la zone euro 2 . Dans ce cadre, les auteurs
confirment que la question se pose de financer en partie cette
capacité budgétaire via des émissions de dettes communes
(eurobills par exemple) mais ne cachent que ce sujet ne fait pas
consensus parmi les Etats membres.
La vision allemande de l’union budgétaire est en effet tout autre.
Détaillée par W. Schauble il y a quelques jours, elle montre que le
gouvernement allemand juge quant à lui nécessaire de renforcer
à nouveau le volant disciplinaire de la politique budgétaire
européenne. En particulier, il propose de renforcer
considérablement les pouvoirs du commissaire européen aux
Affaires économiques et monétaires, en lui donnant un droit de
veto sur les budgets nationaux. Une telle évolution nécessiterait
une nouvelle révision des traités. Alors que plusieurs Etats n’ont
pas encore achevé la ratification du TSCG, elle est loin de faire
consensus.
En résumé, peu d’avancées. Le Sommet a surtout pour
chaque chef d’Etat l’occasion de rappeler sa propre position à ses
partenaires. Les dirigeants ont appelé les « 4 présidents » à
poursuivre leur effort de concertation…
Et l’Espagne ?
A la veille du sommet européen, Moody’s a évité de surenchérir,
confirmant la notation de la dette souveraine espagnole à Baa3.
Les deux grandes agences (S&P et Moody’s) notent l’Espagne un
cran au-dessus de la catégorie spéculative.
La stabilisation de la note par Moodys repose en grande partie
sur l’anticipation que le gouvernement de M. Rajoy demandera
une ligne de crédit ECCL auprès du MES, déclenchant alors le
programme de rachats de titres de la BCE (ou OMT, cf. encadré).
L’agence souligne c’est ce dernier qui devrait garantir au Trésor
espagnol un accès aux marchés à des conditions raisonnables et
ainsi permettre la stabilisation du rating. Moody’s prend
également en compte les mesures prises par le gouvernement
pour maîtriser sa dette. Elle insiste sur le fait que la
conditionnalité attachée au programme d’aide européen, ainsi
que la probable collaboration du FMI, renforceront la crédibilité
des efforts engagés, même si l’environnement économique ne
facilite pas l’ajustement budgétaire. Enfin Moody’s salue les
progrès effectués dans la restructuration et la recapitalisation du
système bancaire notant que les besoins de recapitalisation
identifiés par les derniers stress test, bien qu’inférieurs à ceux
qu’elle estime, permettront d’améliorer la solvabilité du secteur.
Les risques associés au scenario central de Moody’s sont
significatifs. La soutenabilité des finances publiques est
intrinsèquement liée aux prévisions d’activité qui font l’objet d’une
grande incertitude. L’agence, qui prévoit un retour de la
croissance espagnole par les exportations en 2014, indique
qu’une révision à la baisse des prévisions donnera lieu à une ré
évaluation de la capacité du gouvernement à atteindre ses
objectifs budgétaires. Cette réévaluation pourrait aussi venir
d’une insuffisance de progrès en matière budgétaire dans les
régions, que Moody’s considère comme le premier risque pour
les finances publiques. Enfin, l’agence note que l’environnement
institutionnel européen demeure fragile. En particulier, elle
souligne l’incertitude quant à la volonté de la BCE de se lancer
dans des opérations de rachats de titres à grande échelle et
pointe le manque de visibilité sur des éléments clés de
l’intégration budgétaire et financière en zone euro, comme l’union
bancaire.
Les programmes de précaution
Un programme de précaution est fait pour faciliter le maintien sur les
marchés d’un pays dont la situation économique reste relativement
saine, mais qui connaît des difficultés de financement. L’idée est
d’ouvrir une ligne de crédit permettant, si nécessaire, de couvrir une
grande partie des besoins de financement. Cette ligne n’a dans l’idéal
pas vocation à être « tirée », mais plutôt à rassurer les marchés. En
cas d’utilisation, l’Etat bénéficiaire peut se faire transférer directement
les fonds, ou demander au FESF/ESM de souscrire, avec la ligne de
crédit, à une de ses émissions souveraines. Le montant (2% à 10%
du PIB au maximum) et la durée (1 an, renouvelable deux fois pour
une période de six mois) sont déterminés au début du programme.
Pour en bénéficier, l’Etat concerné doit adresser une demande à
l’Eurogroupe, lequel chargera la Commission européenne, en lien
avec la BCE, de se prononcer sur l’opportunité et l’éligibilité aux
programmes de précaution, et les mesures correctrices éventuelles
qui devront y être attachées. La décision d’ouverture du programme
doit être prise à l’unanimité par l’Eurogroupe dans le cas du FESF. Si
l’aide est accordée par l’ESM, elle est en principe également prise
d’un commun accord du Conseil des gouverneurs (constitué des
ministres des Finances de la zone euro). Toutefois, si la Commission
et la BCE font valoir qu’une décision urgente est nécessaire, seule
une majorité de 85% est requise. Une fois la ligne de crédit accordée,
les fonds peuvent être utilisés sur seule décision de l’Etat concerné.
Les pays bénéficiant d’un programme de précaution peuvent, selon
leurs caractéristiques, se voir proposer deux lignes de crédit
différentes. La première, dite precautionary conditioned credit line
(PCCL) est réservée aux pays dont la situation économique et
financière est fondamentalement saine. La seconde, dite enhanced
conditions credit line (ECCL), s’adresse en principe aux Etats
présentant des faiblesses structurelles plus marquées. La BCE ne
veut laisser aucun doute quant au fait que son soutien est strictement
encadré. Elle a donc précisé que ses achats OMTs ne pourront
concerner que les Etats bénéficiant d’une enhanced conditions credit
line (ECCL), dont l’octroi s’accompagne d’un suivi renforcé : tout au
long du programme, le respect des engagements pris et la mise en
oeuvre de mesures correctrices font l’objet d’un suivi et d’un rapport
trimestriel de la Commission européenne et, s’il participe, du FMI. Le
coût politique de l’appel à l’aide n’est donc pas nul. L’exécutif devra
accepter la perspective de missions d’inspection trimestrielles des
autorités européennes ou de la Troïka, lesquels pourront, si
nécessaire, passer au crible le budget, l’appareil statistique ou le
système financier de l’Etat concerné.
Encadré Source : BNP Paribas