Donald Trump s'est engagé à réduire à zéro les exportations de pétrole iranien. Bijan Zanganeh, pour sa part, dit qu'il "a bon espoir" d'améliorer les exportations de brut de la République Islamique. La vérité se situe quelque part entre ce que disent le président américain et le ministre iranien du Pétrole.
Après une année d'abattage au sabre qui a abouti à l'explosion par Téhéran d'un drone de surveillance américain qui a presque fait entrer les deux pays en guerre en juin, les traders en pétrole ne savent toujours pas comment évaluer le risque géopolitique découlant de la partie d'échecs entre les administrations Trump et Rouhani. L'attaque de drone mise à part, l'Iran a été accusé de multiples raids sur des pétroliers saoudiens et émiratis dans le détroit d'Ormuz, ce qu'ils ont nié.
Les traders ne savent pas comment tout cela se terminera pour le pétrole et s’il y aura un vainqueur à la fin.
L'énigme iranienne en second choix pour Trump sur le pétrole
L’incertitude sur la manière dont se déroulera la confrontation américano-iranienne est l’une des raisons de l’incapacité du pétrole à retrouver les plus hauts d’avril, supérieurs à 66$ le baril pour le brut US et au-dessus de 75$ sur le Brent. Ceci malgré les principaux architectes de l'OPEP+ - l'Arabie Saoudite et la Russie - qui ont convenu la semaine dernière de prolonger jusqu'en mars 2020 le pacte conclu entre les 24 producteurs de pétrole pour réduire conjointement la production de 1,2 million de barils par jour.
L’énigme iranienne n’est que l’alternative dans le jeu de Trump sur le pétrole, qui est elle-même un facteur baissier majeur pour le marché, compte tenu du souhait du président de faire baisser le prix de l’essence américain avant sa réélection en 2020. Le commandant en chef américain souhaitant un pétrole bon marché tout en essayant de fermer un pays qui était auparavant le quatrième fournisseur de l'OPEP est ahurissant, même pour l'observateur de l'énergie le plus perspicace.
De son côté, Trump a imposé à l'Iran, son président Hassan Rouhani et même à son guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, presque toutes les sanctions imaginables - pour obtenir la promesse que Téhéran n'avait aucun plan pervers pour construire une bombe nucléaire. C’est d’ailleurs ce que la République Islamique avait convenu de faire il y a quatre ans avec le prédécesseur de Trump, Barack Obama.
Au lieu de ramper vers la table des négociations pour sceller un nouvel accord avec Trump, les Iraniens ont décidé d'enrichir de l'uranium au-delà du seuil de pureté convenu dans l'accord sur le nucléaire de 2015 avec l'administration Obama, les autres puissances occidentales et la Chine.
Trump, jamais à court d'expressions colorées, surtout en période de conflit, a déclaré dimanche:
"L’Iran ferait mieux de faire attention. Parce que vous enrichissez pour une raison et je ne vous dirai pas quelle en est la raison. Mais ce n’est pas bon; ils doivent faire attention."
L'Iran pourrait être un défi plus difficile pour Trump
Malgré tous ses propos durs, le président affirme qu'il veut une diplomatie avec l'Iran, agitant la combinaison typique de carottes et de bâtons qu'il avait utilisée dans d'autres situations de crise avec la Chine, le Mexique et la Corée du Nord. Mais les Iraniens pourraient être plus durs, rejetant toutes ses ouvertures.
Et comme si les choses n’étaient pas assez compliquées, la Grande-Bretagne s’est emparée d’un pétrolier iranien au large des côtes de Gibraltar la semaine dernière, balançant la crise américano-iranienne sur un nouveau territoire international. Les autorités locales ont déclaré que le Grace 1 transporterait plus de 2 millions de barils de pétrole en Syrie, en violation des sanctions imposées par l'UE au pays frappé par la guerre. Les intransigeants iraniens ont exigé qu'un pétrolier britannique soit saisi en réponse. Dans l’intervalle, l’Espagne a déclaré que la saisie avait été effectuée à la demande des États-Unis.
Téhéran, qui soutient depuis longtemps que son enrichissement en uranium et ses recherches sont à usage non militaire, dit qu'il ne reprendra les discussions que si les sanctions américaines sont abolies et qu'il est autorisé à exporter à nouveau le volume de pétrole qu'il avait avant l'intervention de Trump dans l'accord de 2015.
Le mois dernier, des sources de l'industrie ont déclaré à Reuters que les exportations de brut iranien avaient chuté à 300 000 barils par jour ou moins en juin, après le durcissement des sanctions imposées par Washington aux exportations de pétrole du pays en mai. En avril 2018, les exportations s'élevaient à plus de 2,5 millions de bpj.
Les sanctions de Trump ont également mordu dans d’autres projets énergétiques en Iran. Les sociétés française Total (PA:TOTF) (NYSE: TOT) et China National Petroleum Corp (CNPC) ont suspendu leurs investissements dans la phase 11 du gisement gazier géant de South Pars, après que les États-Unis aient menacé de cibler non seulement les gouvernements mais également les entreprises qui font affaires avec Téhéran.
Qui cédera en premier?
L’Iran, jusqu’à présent, a pris un visage dur au milieu de la crise. Zanganeh a déclaré à la télévision publique: "J'espère vraiment que nos exportations de pétrole vont augmenter."
Il a ajouté que son administration discutait également avec le CNCP pour reprendre son intérêt pour le projet gazier de South Pars:
«La Chine est un ami de l’Iran et ce dernier ne choisirait pas de rompre les liens pour faire traîner les pieds dans les projets. Nous recherchons des solutions alternatives.
La Chine, signataire de l’accord de 2015 sur le nucléaire, a condamné la décision de Trump de l’abandonner.
Tous ceux-ci soulèvent la question de savoir qui a la plus grande endurance dans cette impasse: Trump face à un Iran à la capacité nucléaire croissante, ou l’Iran face à un président américain qui a au moins 16 mois de plus pour tenir sa promesse d’infliger «une douleur maximale» au pays du Moyen-Orient?
Mon hypothèse est aussi bonne que la votre.