Les Irlandais ont plébiscité la légalisation de l'avortement, selon des sondages

Reuters

Publié le 26/05/2018 11:19

Mis à jour le 26/05/2018 11:30

Les Irlandais ont plébiscité la légalisation de l'avortement, selon des sondages

par Padraic Halpin et Graham Fahy

DUBLIN (Reuters) - Les Irlandais se sont prononcés vendredi par référendum à une très forte majorité en faveur de la libéralisation du droit à l'avortement, selon deux sondages réalisés à la sortie des urnes diffusés dans la soirée.

Pour le quotidien Irish Times, l'institut Ipsos (PA:ISOS) MRBI a mesuré le "oui" à 68% des voix. L'enquête a été menée auprès de 4.000 électeurs dans 160 bureaux de vote à travers le pays. La chaîne publique RTE, en association avec l'institut Behaviour & Attitudes, donne pour sa part le "oui" vainqueur avec 69%.

Selon Kevin Humphries, un sénateur travailliste (opposition), cette tendance semble se confirmer à la lumière des premiers dépouillements.

"Les sondage sortie des urnes sont conformes", a-t-il déclaré samedi.

Les électeurs irlandais étaient invités à se prononcer pour ou contre l'abrogation d'un amendement constitutionnel interdisant, depuis 1983, la promulgation de toute législation sur l'interruption volontaire de grossesse (IVG) et protégeant le "droit à la vie de l'enfant à naître" au même titre que celui de la mère.

Le droit irlandais a été modifié en 2013 mais la possibilité d'interrompre une grossesse était depuis cette date limitée aux seuls cas où la vie de la mère est en danger.

Le taux de participation a été l'un des plus élevés jamais enregistrés pour un référendum sur l'île à forte tradition catholique. Il pourrait avoir dépassé les 61% du référendum qui a conduit à la légalisation du mariage homosexuel en 2015.

Le dépouillement ne débutera que samedi matin à 08h00 GMT et les premiers résultats partiels devraient tomber en milieu de matinée.

"Pas encore le résultat officiel, mais cela se présente bien", a commenté dans la soirée sur Twitter (NYSE:TWTR) la ministre de la Culture, Josepha Madigan, coordinatrice de la campagne pour le "oui" du Fine Gael, le parti du Premier ministre, Leo Varadkar.

Charlie Flanagan, ministre de la Justice, a estimé pour sa part que l'Irlande avait franchi "un grand pas de plus" et s'éloignait de son "sombre passé".

Les sondages pré-électoraux anticipaient tous un succès des partisans du droit à l'IVG dans cette consultation que Leo Varadkar avait qualifiée d'"occasion unique pour toute une génération".

C'est à Dublin, la capitale, que le "oui" a été le plus massif, avec 77% des voix selon l'Irish Times. Mais à l'inverse des précédentes consultations, il ne semble pas y avoir eu cette fois de divergence électorale marquée entre circonscriptions urbaines et rurales. Les pro-IVG semblent l'emporter dans toutes les provinces.

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ÉVOLUTION RAPIDE

Naguère pays parmi les plus conservateurs d'Europe, l'Irlande, où le divorce n'a été légalisé qu'en 1995 au terme d'un référendum très serré, connaît ces dernières années une évolution rapide sur les questions de société.

Il y a trois ans, elle est devenue le premier pays au monde à avoir légalisé au suffrage universel direct le droit au mariage des couples homosexuels.

La campagne référendaire a également montré que l'Eglise catholique, jadis toute puissante, était désormais en retrait.

En 1983, la religion avait occupé une place centrale dans la campagne. L'éditorialiste Gene Kerrighan avait alors parlé d'une "guerre civile morale" entre les catholiques conservateurs et les progressistes libéraux dans un pays où l'avortement était une question taboue pour la plupart des Irlandais.

Cette fois, le débat a été largement pris en charge par les femmes qui ont décrit publiquement leur expérience personnelle de l'IVG.

Certains des 25 évêques du pays s'étaient certes engagés dans la campagne ces dernières semaines. Dans une lettre pastorale, Mgr William Crean, évêque de Cloyne, avait ainsi demandé à ses fidèles de "ne pas être naïfs". "Ce qui est en jeu avec ce référendum, c'est un grand combat entre la lumière et l'obscurité, entre la vie et la mort", leur écrivait-il, les invitant à "choisir la vie".

Mais les prêtres catholiques sont difficilement audibles dans la société irlandaise contemporaine, où nombre d'habitants se demandent comment des hommes contraints au célibat pourraient fixer leur ligne de conduite à des femmes.

La perte d'influence de l'Eglise se lit aussi dans le recul de l'appartenance (lors du recensement de 2016, 78% des Irlandais se sont déclarés catholiques contre 92% en 1991) et plus encore dans la pratique religieuse (de 81% en 1990, la fréquentation de la messe est tombée à 48% selon une enquête de la RTE en 2006).