Le Crillon rouvre dans un contexte plus porteur pour les palaces

Reuters

Publié le 18/05/2017 10:11

Le Crillon rouvre dans un contexte plus porteur pour les palaces

par Pascale Denis et Dominique Vidalon

PARIS (Reuters) - L'Hôtel de Crillon s'apprête à rouvrir à Paris après quatre ans de travaux, dans un contexte devenu à la fois plus porteur mais aussi plus compétitif pour l'hôtellerie de grand luxe.

Joyau architectural de la place de la Concorde, l'hôtel installé en 1909 dans un bâtiment datant du XVIIIe siècle avait été racheté en 2010 par le prince saoudien Mutaib ben Abdullah Al Saoud au fonds Starwood Capital pour 250 millions d'euros.

Vieillissant face à ses concurrents, l'établissement a fait l'objet d'une vaste rénovation mêlant restauration de ses salons classés et créations contemporaines.

Deux niveaux ont été creusés en sous-sol pour un spa et une piscine de 14 mètres, éclairée par un puits de lumière.

Le nombre de chambres et suites a été réduit de 147 à 124 pour un prix allant de 1.200 à 25.000 euros la nuit pour la suite Bernstein, située au dernier étage et dans laquelle le compositeur américain avait ses habitudes.

Le coût des travaux, financés par le propriétaire, a atteint, de sources de marché, près de 200 millions d'euros.

Cette réouverture intervient alors que la reprise des flux touristiques se confirme en France après une année noire où les attentats ont fait fuir la clientèle étrangère fortunée, qui compte pour l'essentiel des recettes des palaces parisiens.

"Il y a une vraie reprise du tourisme à Paris", a déclaré à Reuters Marc Raffray, directeur général du Crillon, se disant "plus que confiant et serein sur la capacité de l'hôtel à retrouver dans les années à venir un rythme de croisière supérieur au marché actuel".

Le taux d'occupation des palaces a chuté d'environ 15% en 2016, à 52%, et leur revenu par chambre, principal indicateur d'activité du secteur, a décroché de 22% pour revenir aux environs de 500 euros, un niveau jamais vu depuis la crise de 2009, selon les chiffres établis par l'institut STR pour le cabinet de conseil en immobilier JLL.

UN "CHOC D'OFFRE"

Qualifiant d'ores et déjà de "très encourageant" le niveau des réservations au Crillon, Marc Raffray dit quant à lui viser à court terme un taux d'occupation compris entre 55% et 60%.

Mais les palaces doivent aussi faire face à une explosion des capacités hôtelières qui risque de brider leur remplissage, pendant un temps du moins. Car si la demande mondiale croît, c'est à un rythme inférieur à celui de l'offre intervenue ces dernières années dans la capitale française.

Alors que Paris comptait sept palaces historiques en 2008, les ouvertures du Shangri-La, du Mandarin Oriental et du Peninsula sont venues réveiller un secteur jusque-là peu bousculé par la concurrence.

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L'iconique Ritz a rouvert à l'été 2016, la rénovation du Lutetia devrait s'achever cette année, tandis que le Cheval Blanc est attendu pour 2018 ou 2019 dans l'ancienne Samaritaine, propriété de LVMH (PA:LVMH).

En outre, le créneau du très grand luxe est investi par les boutiques-hôtels comme La Réserve, ouvert en 2015 et qui affiche un standing digne des plus grands établissements.

L'offre de chambres aura ainsi augmenté de plus de 60% entre 2008 et 2018, selon le cabinet JLL.

"La concurrence, c'est bon quand les nouveaux entrants arrivent progressivement. Ici, nous avons un choc d'offre massif", estime Gwenola Donet, directrice France de JLL Hotels & Hospitality, pour qui "il faudra attendre au minimum cinq ans pour qu'il soit absorbé".

Les palaces pourraient alors, selon elle, retrouver un taux d'occupation d'environ 65%-67%, contre 70% en 2014 et près de 80% en 2008.

ATTIRER LES PARISIENS

Dans ce contexte, ils déploient toutes leurs armes pour fidéliser leur clientèle.

Le Crillon entend, lui, se différencier par "son emplacement exceptionnel, sa dimension humaine, son atmosphère chaleureuse et moins guindée et par son service plus proche des clients".

Il proposera aussi dans son bar et sa brasserie des tarifs "accessibles" susceptibles d'attirer les Parisiens, un objectif que poursuivent les hôteliers soucieux de donner à leurs clients étrangers le sentiment de vivre la vie parisienne.

Les palaces, tous détenus par des investisseurs de très long terme comme le sultan de Bruneï (Plaza) ou le prince saoudien Al-Walid (George V), constituent des actifs détenus dans une optique patrimoniale de préservation du capital.

En année "stabilisée" (hors chocs liés aux attentats), leur rendement sur cash-flow d'exploitation avoisine les 4% par an.