Reuters
Publié le 29/11/2020 17:59
Mis à jour le 30/11/2020 07:10
PARIS (Reuters) - Le Parquet de Paris a requis la mise en examen des quatre policiers impliqués dans l'interpellation violente de Michel Zecler, producteur de musique noir du 17e arrondissement, a annoncé dimanche le Procureur de la République de Paris, Rémy Heitz, en conférence de presse.
Le Parquet a également demandé la détention provisoire pour trois de ces policiers en raison des "troubles exceptionnels à l'ordre public" provoqués par l'infraction et pour éviter "un risque de concertation entre les auteurs ou de pression sur les témoins", a ajouté le procureur de la République.
Ces policiers sont accusés des chefs de violences volontaires avec arme, en réunion et accompagnés de propos à caractère raciste, de faux en écriture publique, de violation de domicile, et de dégradation volontaire de biens privés en réunion.
Le Parquet a également demandé le placement sous contrôle judiciaire pour le quatrième policier, qui était arrivé en renfort et a, selon toute vraisemblance, lancé une grenade lacrymogène dans le studio pour en faire sortir ses occupants.
Cet agent fait face à des accusations de violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique, en réunion et avec arme - la grenade- ainsi que pour dégradation de biens par un moyen dangereux pour les personnes, a précisé Rémy Heitz.
Ces annonces interviennent au lendemain d'une journée de mobilisation en France contre les violences policières et contre un article controversé de la proposition de loi "sécurité globale", qui s'est soldée à Paris par des heurts entre les forces de l'ordre et les manifestants.
La diffusion par le site Loopsider des images de l'interpellation brutale de Michel Zecler a suscité une vive émotion en France.
Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, qui a saisi l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), a annoncé qu'il demanderait la révocation des policiers concernés si les faits étaient confirmés. Le président de la République Emmanuel Macron a déclaré pour sa part que ces images faisaient "honte".
Selon le procès-verbal rédigé par les policiers à l'issue de l'évènement, l'interpellation de Michel Zecler résultait de son refus de se soumettre à un contrôle de police motivé par l'absence du port du masque et une suspicion de détention de produits stupéfiants dans le sac qu'il portait en bandoulière, a dit Rémy Heitz.
Les policiers ont indiqué avoir fait usage de la violence car Michel Zecler avait lui-même opposé une résistance et usé de la force. Ils expliquent que l'interpellation a notamment été rendue difficile par la présence d'autres personnes dans les lieux. L'un des policiers a dû faire usage de sa matraque, ont-ils précisé.
DEUX VERSIONS DES FAITS
Michel Zecler s'était alors réfugié à l'intérieur du local d'enregistrement - un comportement que les policiers ont jugé suspect. Lorsque les policiers sont sortis du local, un autre fonctionnaire, venu en renfort, a fait usage de gaz lacrymogène pour faire sortir toutes les personnes présente dans le bâtiment. Neuf autres personnes ont été amenées au commissariat.
Michel Zecler a été grièvement blessé lors de l'interpellation, a fait savoir le procureur de la République, évoquant des plaies à la tête, au pied, à la main et de multiples hématomes sur le corps.
Le producteur de musique a nié, lors des différents interrogatoires qui ont suivi et après avoir été ausculté par un médecin, avoir porté des coups aux policiers, a précisé le procureur de la République. Il a dit leur avoir demandé de sortir de chez lui. Ont suivi des coups de pied, de poings et de matraque. Il a également dit avoir été aspergé de gaz lacrymogène.
Les policiers ont reconnu lors des interrogatoires que les coups portés n'étaient pas justifiés et ont dit qu'ils avaient agi principalement sous les effets de la peur, a dit Rémy Heitz. Ils ont également dit avoir pensé que le local était, non pas un lieu privé, mais un hall d'entrée d'immeuble, libre d'accès par le public.
Le 23 novembre, les enquêteurs chargés du dossier, ont retrouvé lors d'une perquisition dans le local la sacoche mentionnée par les policiers. Elle contenait 0,5 grammes de cannabis, a précisé le procureur de la République.
"Dans cette affaire, la justice s'attachera à faire toute la lumière sur ces faits dans le respect des principes qui la gouverne", a conclu Rémy Heitz.
Pour l'avocat des policiers impliqués dans l'affaire, Laurent Franck-Lienard, la mise en détention provisoire ne se justifie pas. "Ils ont fait une opération, qui est une opération de police pour eux, qu'ils estiment totalement convenable. Ils sont justes estomaqués par l'hystérie collective qui frappe le pays à l'égard de ces faits", a-t-il dit sur BFMTV.
Pour l'avocate de Michel Zecler, Hafida El Ali, il n'est pas possible de faire confiance à ces agents de police. "On peut considérer qu'ils mentent à tous les niveaux, quand bien même il y a des images, ils arrivent à les contester", a-t-elle dit sur BFMTV.
(Caroline Pailliez)
Auteur:: Reuters
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