Gilets jaunes: Des touristes "philosophes" dans un Paris à l'arrêt

Reuters

Publié le 08/12/2018 15:10

Gilets jaunes: Des touristes "philosophes" dans un Paris à l'arrêt

par Marine Pennetier

PARIS (Reuters) - "Est-ce que vous savez où sont les gilets jaunes?", demande Ali Evenson à la réception du Normandy Hôtel, situé à deux pas du musée du Louvre, fermé au public samedi comme une dizaine de lieux touristiques en raison de risques de violences.

A 23 ans, cette Américaine s'est offert quelques jours de vacances avec sa mère Lisa dans la capitale française - première destination touristique mondiale - qui, à deux semaines des fêtes de fin d'année, présente un visage inhabituel de ville en état de siège quasiment désertée.

Dès l'aube, les principales artères ont été bloquées et les véhicules blindés de la gendarmerie ont été déployés. Dans les rues, les quelque 8.000 forces de l'ordre stationnent devant des sites sensibles ou procèdent à une fouille minutieuse des sacs.

Sur le parvis de la Tour Eiffel ou devant le musée du Louvre, seule une poignée de touristes, qui n'avaient pas été prévenus de la fermeture des sites, font face à des portes closes - à l'image de Titova, une programmeuse ukrainienne de 24 ans, qui devra se contenter d'un selfie devant la Pyramide.

"J'avais acheté un billet pour visiter le Louvre ce matin mais je n'ai pas été avertie que le musée serait fermé, du coup je ne sais pas trop où aller mais je vais bien trouver", indique-t-elle. "J'avais cru comprendre cette semaine que les Gilets jaunes avaient un peu interrompu leur mouvement, je pensais que ce serait plus calme."

A ses côtés, Yeeun Lee, une Sud-Coréenne de 22 ans, en vacances avec deux de ses amies, se dit "déçue" mais estime que ça n'enlève rien au fait Paris "soit une ville merveilleuse".

"On va aller prendre un café pour réfléchir à nos plans pour le reste de la journée", ajoute-t-elle.

"THE NEW FRENCH REVOLUTION"

Au Normandy Hotel, les clients se pressent à la réception pour demander conseil aux concierges. Quels sont les quartiers à éviter? Comment se rendre au château de Versailles alors qu'une trentaine de stations de métro et RER ont été fermées au public?

"Les touristes sont un peu déboussolés, pas de métro, pas de shopping, pas de musée, pas de Tour Eiffel, mais ils prennent ça avec philosophie", souligne Pascal, le concierge. "Ils demandent si c'est dangereux, on leur répond que croiser les 'Gilets jaunes', ce n'est pas dangereux et on leur signale les secteurs qu'il faut éviter parce qu'il peut y avoir des désagréments".

"Il y a des gens tout à l'heure qui ont appelé pour savoir si c'était sérieux de venir dès lundi, on les encourage à venir, ce n'est quand même pas Beyrouth. Certains touristes en rigolent, en disant c'est un peu une tradition, "the new french revolution", ajoute-t-il.

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Selon une enquête de l’institut MKG, le taux de remplissage des hôtels parisiens a reculé de trois points entre le 29 novembre et le 2 décembre. Dans le détail, 35.000 nuitées ont été annulées entre le 28 novembre et le 3 décembre, une hémorragie qui faisait suite à une première série de 25.000 nuitées annulées après la manifestation du 24 novembre.

Pour Pascal, il ne faudrait pas que les scènes de chaos et de dégradation du 1er décembre, qui ont fait le tour du monde, "ternissent" l'image de la capitale."

"On a eu tellement de mal à se relever des attentats, mais depuis tout allait bien, on a eu une belle arrière-saison, il faisait très beau, il y avait plein de touristes à Paris, là ça freine un peu".

Après les craintes de l'Elysée sur une journée de très "grande violence" avec des manifestants "prêts à casser" voire à "tuer", plusieurs pays, dont la Belgique, ont conseillé la prudence à leurs ressortissants ou encore à éviter la capitale ce week-end.

"On a reçu des consignes de l'ambassade du Japon nous recommandant de ne pas nous mêler aux manifestants et de faire attention", confirme Umatsu, un homme d’affaires japonais de 60 ans, en déplacement professionnel dans la capitale et rencontré près du jardin des Tuileries.