Les émetteurs européens s'adaptent aux taux élevés selon des gérants

Reuters

Publié le 04/07/2023 14:23

PARIS (Reuters) - Les émetteurs européens de titres obligataires font face à des taux plus élevés et adaptent leurs méthodes de financement, ce qui a un impact sur le fonctionnement des marchés de la dette cotée, expliquent plusieurs gérants.

Le 20 juin, Unibail Rodamco (EPA:URW) Westfield a ainsi préféré échanger ses obligations hybrides existantes plutôt que de les racheter en anticipation ("call"), une indication que la remontée des taux complique le financement du groupe.

Lorsqu'un émetteur rappelle ses titres, il doit émettre de nouvelles dettes aux coupons désormais plus élevés que ceux des titres "callables".

Les émetteurs peuvent donc préférer garder à maturité leurs souches existantes, aux coupons plus favorables.

Les titres hybrides incitent pourtant fortement les émetteurs à déclencher les rachats, car les coupons sont revus à la hausse et la qualité de crédit de l'entreprise est abaissée si ce n'est pas le cas, la part comptée comme étant du capital (equity content) de la dette hybride émise étant reclassée en dette par les agences de notation.

Dans le cas de l'échange mis en place par Unibail, le groupe a échangé 1,15 milliard d'euros de titres hybrides (sur 1,25 milliard totaux) au coupon de 2,125% contre 995 millions d'euros de titres hybrides "callables" dans 5 ans et trois mois au coupon de 7,25%, assorti d'un remboursement en cash de 155 millions d'euros.

Le coupon est certes plus élevé mais concerne un volume de dette moindre.

Il ne reste plus qu'au groupe 100 millions d'euros de dette de la souche initiale qui n'ont pas été échangés ni rappelés. Pour cette dette, le coupon est recalculé au midswap à 5 ans plus 167,5 pb, environ 5%.

La perte de l'"equity content" concerne désormais des volumes de dette trop faibles pour avoir un impact sur la qualité de crédit d'Unibail.

"MAUVAIS SIGNAL"

"Ne pas (déclencher les clauses) envoie un mauvais signal sur la santé de l’entreprise et en renchérit les coûts de financement", explique Vincent Marioni, responsable des investissements crédit chez Allianz (ETR:ALVG) GI.

"A ce titre, l’échange mis en place par Unibail représente un bon compromis entre calcul économique et attentes des investisseurs : les coûts de financement pourraient remonter à la marge, mais l’entreprise ne devrait pas voir d’impact à long terme".

Sur le segment des hybrides, le secteur immobilier, aux besoins de financements importants compliqués par les taux élevés et un marché en ralentissement, apparaît le plus à risque.

Un titre hybride émis par le groupe immobilier suédois SBB, dont la date de "call" est en 2025, cote ainsi à 19 centimes du pair, contre 82 centimes pour un titre obligataire haut rendement à maturité 2025 du même émetteur, selon des données Eikon compilées par Reuters.

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Selon des gérants, si Unibail avait émis de nouveaux titres pour refinancer sa dette, le coupon aurait été proche, voire supérieur à 8%, reflet des inquiétudes sur le secteur.

HAUT RENDEMENT

Plus largement, l'ensemble des titres à haut rendements, qui intègrent ce genre de clause, sont concernés.

"Le marché intègre beaucoup de mauvaises nouvelles dans ses prix, en particulier une extension du remboursement des titres à clauses optionnelles dont le rendement au pire converge vers le rendement à maturité", confirme Philippe Berthelot, directeur de la gestion crédit et monétaire d’Ostrum AM.

Les rendements au pire des titres sont calculés comme si les titres étaient rachetés à la première occasion, tandis que les rendements à maturité mesurent le rendement du titre dans un scénario où celui-ci serait remboursé à maturité.

La convergence de ces deux mesures implique donc que les titres obligataires ne seraient pas remboursés à la première opportunité: l’écart entre le rendement au pire et le rendement à maturité pour l’indice ICE BofA Euro High Yield a chuté à trois points de base en 2023, contre 43 points de base en moyenne sur l’année 2019, selon des données Eikon compilées par Reuters."Le choix de 'caller' ou non un titre high yield est un calcul purement économique de la part de l’entreprise", résume Vincent Marioni.