La directrice financière de Huawei arrêtée au Canada

Reuters

Publié le 06/12/2018 14:09

La directrice financière de Huawei arrêtée au Canada

par Julie Gordon et Karen Freifeld

VANCOUVER/WASHINGTON (Reuters) - Meng Wanzhou, directrice financière du groupe chinois Huawei, a été arrêtée le 1er décembre à Vancouver, au Canada, et risque une extradition vers les Etats-Unis, a annoncé mercredi le ministère canadien de la Justice, sans préciser les motifs de cette décision qui risque de mettre à mal la trêve commerciale récemment conclue entre Pékin et Washington.

Les Bourses en Asie et les futures sur les marchés américains ont réagi négativement à cette information qui renforce le sentiment que la rivalité entre les Etats-Unis et la Chine porte non seulement sur les droits de douane mais plus largement sur l'hégémonie en matière technologique.

Cette arrestation est survenue le même jour que le dîner entre Donald Trump et Xi Jinping à Buenos Aires en marge du sommet du G20, à l'issue duquel les présidents américain et chinois se sont engagés à ne pas imposer de nouveaux droits de douane sur les importations et à trouver un accord sur le commerce d'ici à 90 jours.

Selon une source informée de la situation, l'arrestation de Meng, qui est âgée de 46 ans, est liée à une violation des sanctions contre l'Iran instaurées par Washington.

Reuters n'a pu vérifier la nature exacte des accusations portées contre Meng Wanzhou, qui est la fille de Ren Zhengfei, le fondateur de Huawei Technologies Co. Ltd.

Huawei a confirmé l'arrestation de sa dirigeante et a déclaré que peu d'informations lui avaient été fournies concernant les accusations portées contre elle. Dans un communiqué, l'équipementier télécoms chinois a ajouté "n'être au courant d'aucun agissement répréhensible" de la part de Meng.

Les autorités canadiennes ont déclaré que Meng Wanzhou, arrêtée lors d'une correspondance au Canada entre deux vols, avait été placée en détention à la demande des Etats-Unis et qu'elle comparaîtrait vendredi devant un tribunal.

L'ambassade de Chine au Canada a dit s'opposer à cette arrestation et a demandé la libération immédiate de Meng, qui reçoit l'assistance du consulat de Chine à Vancouver.

A Pékin, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Geng Shuang, a dit avoir demandé des explications au Canada et aux Etats-Unis qui n'ont pour l'instant "fourni aucun éclaircissement".

Aucun commentaire n'a été effectué par le département américain de la Justice.

Des sources ont déclaré en avril à Reuters que le bureau du procureur de Brooklyn, à New York, enquêtait sur Huawei depuis au moins 2016, soupçonnant le groupe chinois de livrer des produits d'origine américaine en Iran et dans d'autres pays en violation aux règles et sanctions instaurées par Washington.

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APPELS AU BOYCOTT D'APPLE

Cette affaire rappelle le cas d'un autre équipementier de télécommunications chinois, ZTE, qui a plaidé coupable en mars 2017 d'avoir fourni illégalement à l'Iran des technologies américaines.

Washington a sanctionné ZTE en interdisant en avril dernier aux sociétés américaines de vendre des composants à l'équipementier télécoms. Celui-ci a passé en juin un accord avec l'administration américaine pour lever cette interdiction en échange d'une amende d'un milliard de dollars (845 millions d'euros).

En janvier 2013, Reuters rapportait les liens très étroits entre Huawei et la firme Skycom Tech, basée à Hong Kong, qui avait tenté de vendre du matériel informatique Hewlett-Packard sous embargo au principal opérateur téléphonique d'Iran.

Meng Wanzhou a siégé au conseil d'administration de Skycom entre février 2008 et avril 2009, selon les dépôts au registre de la firme à Hong Kong. Plusieurs anciens et actuels directeurs de Skycom semblent avoir des liens avec Huawei.

Le sénateur américain Ben Sasse s'est félicité de cette arrestation, ajoutant: "Parfois, l'agression chinoise est explicitement parrainée par l'Etat, parfois elle est assumée par nombre de ces entités du secteur soi-disant 'privé'."

Sur les réseaux sociaux chinois, des internautes ont réagi en appelant au boycott d'Apple (NASDAQ:AAPL). "Je suis choqué. Les Etats-Unis ne peuvent pas battre Huawei sur le marché. N'agissez pas comme de méprisables voyous", a tweeté le rédacteur en chef du Global Times, tabloïd aux accents nationalistes dirigé par le Quotidien du Peuple, l'organe du Parti communiste chinois.

L'annonce de l'arrestation de Meng intervient quelques heures après que l'opérateur télécoms britannique BT a annoncé qu'il retirait les équipements de Huawei du coeur de ses réseaux 3G et 4G et ne les utiliserait pas non plus sur les parties centrales de son réseau de téléphonie mobile 5G.

L'affaire pourrait avoir des répercussions sur l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement des fabricants de produits technologiques.

Les groupes américains Qualcomm (NASDAQ:QCOM) et Intel (NASDAQ:INTC) figurent parmi les principaux fournisseurs de Huawei. En Asie, Samsung Electronics (KS:005930) a perdu 2,3% et Chinasoft International a plongé de 13%.