Débat animé en vue à la BCE après son virage stratégique

Reuters

Publié le 16/07/2021 12:51

par Francesco Canepa

FRANCFORT (Reuters) - Les discussions au sein de la Banque centrale européenne (BCE) devraient être animées jeudi prochain lors de la première réunion de politique monétaire depuis la présentation de la nouvelle stratégie, d'autant plus délicate à appliquer que la reprise économique est menacée par la résurgence de la pandémie de coronavirus.

Le Conseil des gouverneurs doit mettre à jour les indications sur l'évolution future de la politique monétaire ("forward guidance") données aux marchés financiers afin d'y intégrer la nouvelle stratégie dévoilée le 8 juillet, qui prévoit que l'inflation dans la zone euro puisse dépasser son objectif fixé à 2%.

Ce changement de stratégie (la BCE visait auparavant une hausse des prix légèrement inférieure à 2%) a été adopté à l'unanimité mais sa mise en pratique pourrait être plus délicate et raviver des divisions au sein du Conseil car ses membres sont en désaccord sur la trajectoire économique et sur l'ampleur des soutiens que l'institution doit maintenir, principalement via des achats d'obligations sur les marchés.

Jusqu'à présent, la BCE s'est engagée à poursuivre ces achats aussi longtemps qu'elle le jugera nécessaire et à maintenir les taux d'intérêt à leur niveau actuel, historiquement bas, jusqu'à ce qu'elle soit convaincue que l'inflation se rapproche durablement de son objectif.

Des gouverneurs de pays lourdement endettés, comme le Portugais Mario Centeno et l'Italien Ignazio Visco, ont plaidé ces dernières semaines en faveur d'une prolongation de cette position très accommodante en s'appuyant sur les nouveaux objectifs.

"La stratégie admet un niveau d'inflation temporairement et modérément supérieur à 2%", a dit Mario Centeno à Reuters cette semaine. "Nous devons être patients et tolérants en cas de dérives que nous n'aurions pas tolérées auparavant."

UN DÉBAT SUR LES TAUX, UN AUTRE SUR LES ACHATS ?

Ignazio Visco a lui aussi jugé qu'un resserrement prématuré de la politique monétaire devait être évité, en arguant des nouvelles restrictions sanitaires décidées récemment dans plusieurs pays et de la nécessité de prévenir une hausse des coûts de financement favorisée par la remontée des rendements obligataires américains.

La présidente de la BCE, Christine Lagarde, n'a quant à elle donné aucune indication spécifique sur l'évolution possible de la "forward guidance" mais le fait qu'elle ait insisté sur "la persévérance dont nous devons faire preuve" suggère qu'elle pourrait pencher en faveur des "colombes".

Pour autant, les "faucons", partisans d'un resserrement de la politique monétaire et issus pour la plupart des pays les moins endettés, ne devraient pas céder sans résistance le 22 juillet.

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Isabel Schnabel, membre allemande du directoire de la BCE, a ainsi déclaré que l'inflation était susceptible de converger vers l'objectif "peut-être plus tôt que certains ne l'imaginent aujourd'hui".

Quant à Jens Weidmann, le président de la Bundesbank allemande, il a jugé que la BCE ne devait pas chercher à compenser les périodes durant lesquelles l'inflation a été inférieure à l'objectif de 2% ces dernières années.

Pour cette année, la BCE prévoit une inflation de 1,9%, avant un retour à 1,5% en 2022 et 1,4% en 2023.

L'issue des discussions pourrait être plus compliquée encore: Mario Centeno a expliqué cette semaine qu'il serait favorable à ce que la BCE distingue les indications concernant l'évolution future des taux d'intérêt de celles sur les achats d'obligations, afin de laisser entendre qu'elle ne tolérerait pas une hausse incontrôlée des rendements obligataires à long terme.

Pour l'instant, la BCE prévoit de mettre fin aux achats nets dans le cadre de son programme APP "peu avant de commencer à relever les taux d'intérêt".