AFP
Publié le 26/10/2018 18:24
Déjà engagée dans un bras de fer avec Bruxelles au sujet de son budget, l'Italie attend vendredi soir le verdict de l'agence Standard & Poor's, qui pourrait abaisser la perspective de sa dette, voire sa notation, comme l'a déjà fait Moody's.
La coalition au pouvoir à Rome, composée de la Ligue (extrême droite) et du Mouvement 5 étoiles (M5S, populiste), a fait le choix d'un budget anti-austérité, prévoyant un déficit à 2,4% du PIB en 2019, contre 0,8% promis par le précédent gouvernement de centre gauche.
Bruxelles a rejeté mardi ce projet de budget, fustigeant "une déviation claire, nette, assumée et, par certains, revendiquée" par rapport aux règles européennes.
Les observateurs sont partagés sur ce que pourrait décider S&P: certains comme Erik Nielsen, chef économiste à UniCredit, tablent sur une baisse de perspective avec un maintien de la note BBB, tandis que d'autres, à l'image de Matthieu Grouès, responsable de la stratégie chez Lazard Frères Gestion, estiment que S&P fera comme Moody's.
Selon eux, le marché a de toute façon déjà largement anticipé l'une ou l'autre hypothèse.
"Je n'ai pas peur du jugement de S&P. Comme l'a dit une autre agence de notation, nous avons une situation stable parce nous avons un endettement privé quasi inexistant et cela crée une stabilité économique pour le pays", a assuré vendredi le vice-Premier ministre, Luigi Di Maio, leader du M5S.
Le 19 octobre, Moody's, inquiète des choix budgétaires de Rome, a déjà dégradé d'un cran la note de la dette souveraine italienne, la faisant passer de Baa2 à Baa3.
- A un cran des "junk bonds" -
Elle a ainsi renvoyé l'Italie au dernier niveau de la catégorie investissement - émetteurs de qualité moyenne mais en mesure de faire face à leurs obligations -, soit juste avant la catégorie spéculative (junk bonds).
Moody's a assorti sa note d'une perspective stable, signifiant qu'elle ne devrait pas la dégrader de nouveau dans les mois à venir.
"En proposant un budget largement financé par le déficit, le pays a déclenché un conflit à la fois avec la Commission européenne et les marchés", ont souligné les analystes de Fidelity International, Andrea Iannelli et Alberto Chiandetti.
Depuis mi-mai, date du début des négociations pour la formation de la coalition, la Bourse de Milan a perdu quelque 22%. Le secteur bancaire, qui compte dans son portefeuille 372 milliards d'euros de dette souveraine italienne, selon la Banque centrale, a été le plus affecté, dévissant de 37%.
Le spread, le très surveillé écart entre les taux d'emprunt italien et allemand, a, lui, plus que doublé.
Vendredi soir, dans l'attente de S&P, il a clôturé en très légère hausse, à 310 points, tandis que le FTSE Mib perdait 0,70%.
Les marchés et la Commission européenne s'inquiètent du budget italien parce que le pays ploie déjà sous une dette colossale: 2.300 milliards d'euros, soit 131% de son PIB, alors que le plafond européen est fixé à 60%.
Rome a jusqu'au 13 novembre pour présenter à Bruxelles un budget révisé. Elle s'expose sinon à une "procédure pour déficit excessif", susceptible d'aboutir à des sanctions financières.
- "Solution commune" -
Le président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, s'est déclaré "confiant" jeudi sur la possibilité d'un accord.
Bruxelles refuse un choc frontal. "Il est très important que le dialogue continue (...) et je ne suis pas celui qui interrompra ce dialogue", a déclaré le commissaire aux Affaires économiques, Pierre Moscovici.
Il a néanmoins traité de "fasciste" l'eurodéputé de la Ligue qui a piétiné mardi avec sa chaussure ses notes sur le budget italien, promettant de combattre "ces gens-là" jusqu'à son "dernier souffle".
Les deux leaders des partis de la coalition, Matteo Salvini (Ligue) et Luigi Di Maio, n'entendent en tout cas pas céder d'un pouce.
"Les petites lettres de Bruxelles, nous les ouvrons, parce que nous sommes bien élevés, nous les lisons, nous y répondons, mais nous ne changeons pas une virgule dans la loi de finances", a affirmé M. Salvini.
"L'économie italienne est saine" et ce budget "la rendra encore plus forte et créera des emplois", a-t-il martelé.
Il s'est même dit prêt à soutenir les banques et entreprises en difficulté si le spread restait à un niveau élevé.
Auteur:: AFP
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