Entre ouverture sur les retraites et soutien de Sarkozy, Macron sur la corde raide

Reuters

Publié le 12/04/2022 13:26

par Tangi Salaün

PARIS (Reuters) - L'ancien président Nicolas Sarkozy a annoncé mardi qu'il voterait en faveur d'Emmanuel Macron au deuxième tour de l'élection présidentielle française, un soutien à double tranchant pour le chef de l'Etat au moment où il tente de convaincre les électeurs de gauche et des milieux populaires de faire barrage à l'extrême droite.

La candidate du Rassemblement National (RN), Marine Le Pen, a lancé mardi la contre-offensive au lendemain de l'évocation par Emmanuel Macron de possibles concessions sur son projet de réforme de l'âge de départ à la retraite, disant y voir une "manoeuvre électorale" en vue du second tour.

L'enjeu de la campagne d'entre-deux tours pour les deux finalistes est notamment de capter l'électorat de Jean-Luc Mélenchon, le dirigeant de La France Insoumise (LFI), dont la candidature sous la bannière de l'"Union populaire" a recueilli près de 22% des suffrages exprimés.

Pour rassurer cet électorat, et plus largement des Français inquiets pour leur pouvoir d'achat et leurs conditions de vie, auxquels il s'est confronté lundi dans les Hauts-de-France et mardi dans l'Est dans des villes qui ont voté majoritairement pour ses adversaires, Emmanuel Macron s'est dit prêt à amender ce qui a été vu comme la principale proposition de son programme: la réforme des retraites.

Dans une interview accordée lundi à BFM TV, le président sortant a assuré que le recul de l'âge du départ à la retraite de 62 à 65 ans - auquel les deux-tiers des Français se disent opposés, selon un sondage Elabe réalisé le mois dernier - n'était "pas un dogme", qu'il consulterait largement sur le sujet et qu'il amenderait son projet s'il suscite "trop d'angoisse".

"Mon projet reste mon projet, je ne vais pas vous dire ici que je change d'avis du jour au lendemain, par contre je suis ouvert à la discussion", a précisé Emmanuel Macron mardi en marge d'un déplacement consacré à l'hôpital à Mulhouse (Haut-Rhin).

"SORTIR DES RÉFLEXES PARTISANS"

Alors que certains de ses adversaires politiques évoquent une "reculade" qui pourrait indisposer certains de ses électeurs du premier tour, venus de la droite, l'entourage d'Emmanuel Macron a assuré mardi que cela démontrait simplement que leur candidat était "à l'écoute des Français".

"On ne peut pas faire comme si on n'avait pas vu les résultats du premier tour", a fait valoir le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, lui-même ancien élu du parti Les Républicains (LR) dont la candidate, Valérie Pécresse, a obtenu moins de 5% des voix au premier tour.

Dans ce contexte, l'impact du soutien affiché par Nicolas Sarkozy, qui a annoncé sur les réseaux sociaux qu'il voterait pour le chef de l'Etat sortant alors qu'il s'était refusé à soutenir publiquement Valérie Pécresse avant le premier tour, est difficile à évaluer.

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"La fidélité aux valeurs de la droite républicaine et à notre culture de gouvernement doit nous conduire à répondre à l'appel au rassemblement d'Emmanuel Macron en vue de l'élection présidentielle", explique Nicolas Sarkozy dans un message.

"Il faudra sortir des habitudes et des réflexes partisans", observe Nicolas Sarkozy en précisant que la "nouvelle époque" qui s'annonce "nécessitera des changements profonds".

"Cela m'honore et cela m'oblige", a répondu Emmanuel Macron en marge de son déplacement à Mulhouse.

Cette réponse de l'ancien président de la République à la main tendue du chef de l'Etat, qui a dit dimanche soir vouloir réunir "tous ceux qui veulent travailler pour la France", n'est en revanche pas du goût de tous les élus de droite.

"Il dit qu'il veut une grande recomposition. La réponse est non", a rétorqué sur BFM TV le député LR Julien Aubert, qui a dit qu'il ne choisirait pas entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, rompant avec la ligne politique définie par son parti.

LE RN DÉNONCE UNE "MANOEUVRE" SUR LES RETRAITES

Le soutien de Nicolas Sarkozy pourrait aussi être délicat à gérer pour le chef de l'Etat sortant au moment où il cherche à convaincre les électeurs de Jean-Luc Mélenchon de voter pour lui, ou à tout le moins de ne pas donner "une seule voix" à Marine Le Pen, comme le dirigeant Insoumis le leur a demandé dimanche soir.

Face à cette tentative de reconstitution d'un "front républicain" - l'ancien Premier ministre socialiste Lionel Jospin a aussi annoncé mardi qu'il ferait barrage à l'extrême droite -, Marine Le Pen a accusé mardi Jean-Luc Mélenchon de "trahison" envers les classes populaires.

Invitée sur France Inter, la candidate du RN a aussi ironisé sur ce qu'elle a présenté comme une "manoeuvre" d'Emmanuel Macron sur la réforme des retraites, destinée selon elle à "tenter de récupérer ou en tout cas d'atténuer l'opposition des électeurs de gauche".

"Il n'y a rien à attendre d'Emmanuel Macron dans ce domaine, il ira jusqu'au bout de cette obsession car en réalité la retraite à 65 ans c'est son obsession", a-t-elle assuré.

"Emmanuel Macron a passé son temps à être méprisant et il veut nous faire croire maintenant qu'il est à l'écoute", a raillé de son côté Louis Aliot, maire RN de Perpignan et ancien compagnon de Marine Le Pen.