Reuters
Publié le 16/07/2019 15:49
Le big bang des retraites en passe d'être dévoilé
par Caroline Pailliez
PARIS (Reuters) - Le Haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, présentera jeudi ses propositions pour mettre en place le régime "universel" promis par Emmanuel Macron, un chantier explosif qui aura valeur de test pour le gouvernement.
Les grandes lignes de la réforme sont déjà connues. Il s'agit d'un régime par répartition remplaçant les 42 régimes existants qui fonctionnera par points et tiendra compte non pas des 25 meilleures années de carrière, comme dans le privé, ou des six derniers mois, comme dans le public, mais de l'intégralité de la carrière des actifs.
Les grands équilibres financiers actuels seront préservés, ce qui signifie que les dispositifs de solidarité devraient continuer de représenter 20% de l'ensemble des dépenses.
Les retraités actuels et les personnes qui se trouvent à cinq ans de la retraite ne seront pas concernées. Le nouveau régime devrait donc entrer en vigueur vers 2025.
Reste à rentrer dans les détails, avec des clarifications sur de nombreux dossiers sensibles comme l'âge d'équilibre, l'avenir des régimes spéciaux, ou encore l'harmonisation du taux de cotisation entres salariés, fonctionnaires et indépendants.
"Cette réforme provoque un bouleversement complet: il y aura beaucoup de gagnants et donc de perdants", a déclaré l'ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy et président d'Alixio, Raymond Soubie, au Journal du Dimanche (JDD).
"Quand la Suède a mis en place ce système (en 1998, ndlr), ses régimes étaient excédentaires, les discussions préparatoires ont duré cinq ans et les relations sociales étaient plus favorables à la concertation qu'en France", a-t-il ajouté.
DÉGRADATION DES PROJECTIONS FINANCIÈRES
Insistant sur la nécessité de réformer le système pour mieux répondre aux parcours de vie individuels des actifs, Emmanuel Macron avait promis durant sa campagne et en début de mandat de ne pas toucher à l'âge de départ ou au niveau des pensions.
Mais depuis, le conseil d'orientation des retraites (COR) a revu ses projections financières à la baisse. L'Insee a révisé le solde migratoire et l'espérance de vie en 2017. La masse salariale a également progressé moins vite qu'attendu dans les prévisions du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2019.
Le besoin de financement du régime, évalué à 0,1% du PIB en 2018 s'établirait ainsi entre 0,3 et 0,6% du PIB (soit autour de 10 milliards d'euros) en 2025, date d'entrée en vigueur souhaitée du régime. L'équilibre ne reviendrait pas avant 2056 avec une hypothèse de croissance de 1,5%.
Or, le gouvernement souhaite faire du retour à l'équilibre une condition "sine qua non" de la mise en place du régime universel, a dit à Reuters l'un des artisans de la réforme.
Les mesures sur le pouvoir d'achat annoncées en décembre et avril dernier, estimées à 17 milliards d'euros, pour répondre à la crise des "Gilets jaunes" ajoutent à la complexité de l'équation budgétaire, tout comme la promesse du chef de l'Etat d'intégrer la dépendance à la sécurité sociale.
Après une cacophonie gouvernementale sur l'éventualité de décaler l'âge légal de départ à la retraite, aujourd'hui de 62 ans - qui a poussé Jean-Paul Delevoye à mettre sa démission dans la balance - Emmanuel Macron s'est prononcé en avril sur son maintien, mais a annoncé des mesures incitant à "travailler plus". et
CONTESTATION SYNDICALE À VENIR
Il semble toutefois avoir renoncé à mettre en place ces mesures dès 2020 pour éviter d'enflammer la scène sociale, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, ayant averti qu'il mettrait fin à toute discussion avec le gouvernement si la durée de cotisation était allongée à court terme.
"Aujourd'hui, on va vers l'équilibre du système. Il n'y a aucune raison de travailler davantage", a déclaré le syndicaliste à Ouest-France le 7 juillet.
"Si le gouvernement le décidait, ce serait pour faire payer aux travailleurs autre chose que les retraites : renflouer les caisses de l'Etat ou financer les baisses d'impôts. Ce serait injuste!", a-t-il ajouté, précisant qu'il ne serait pas "difficile d'enclencher une mobilisation sur ce sujet".
Ces mesures vont toutefois être mises en place progressivement entre 2021 et 2025, prévient la source proche du dossier, ce qui fragiliserait le soutien pour la réforme systémique.
FO et la CGT ont déjà prévu leurs mobilisations de rentrée, le 21 septembre pour la première et entre le 20 et le 27 septembre pour la deuxième.
Pour le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, la mobilisation se mêlera à une journée consacrée à l'urgence climatique car "urgence sociale et urgence climatique sont incontournables", a-t-il dit mardi sur France inter.
D'autres acteurs ont marqué leur inquiétude face à la réforme, comme les caisses de retraite des chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, vétérinaires, experts comptables, ou encore notaires, qui voient d'un mauvais oeil la fusion des réserves constituées et l'augmentation du taux de cotisation obligatoire.
Les indépendants cotisent en moyenne autour de 14% de leurs revenus bruts. Le Haut-commissaire pourrait leur demander de cotiser autant que les salariés et les fonctionnaires (autour de 28%) jusqu'à un certain plafond de revenu, puis à un revenu plus faible ensuite.
(Edité par Yves Clarisse)
Auteur:: Reuters
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