Le Medef propose d'étendre la "prime de précarité"

Reuters

Publié le 14/02/2019 11:42

Le Medef propose d'étendre la "prime de précarité"

PARIS (Reuters) - Le Medef propose d'étendre la "prime de précarité" aux contrats de travail de courte durée dits "d'usage", contre lesquels le gouvernement suggère de lutter par un système de bonus-malus rejeté par le patronat.

"On pense que le bonus-malus est une très mauvaise solution à un problème qu'on ne nie pas", a déclaré le président de l'organisation patronale, Geoffroy Roux de Bézieux, à France Inter, à quelques heures de la reprise des négociations sur l'assurance-chômage entre les partenaires sociaux.

Les organisations patronales avaient quitté la table des négociations fin janvier pour protester contre l'insistance du gouvernement à proposer un mécanisme de modulation des cotisations patronales pour pénaliser les contrats courts.

"Ce qu'on propose, c'est que les salariés qui enchaînent plusieurs contrats courts avec le même employeur et dans le même mois se voient payer, à partir d'un certain nombre de contrats courts, une prime dite de précarité", a dit le patron du Medef.

La proposition patronale concerne en fait les contrats dits d'usage, utilisés pour des missions courtes dans certains secteurs comme l'hôtellerie et la restauration (les "extras") et représentent, selon Geoffroy Roux de Bézieux, la majorité des contrat à durée déterminée (CDD) de moins d’un mois.

Une telle prime de précarité existe déjà pour les autres CDD et les contrats d'intérim, afin de compenser l'absence de sécurité de l'emploi. Versée avec le dernier salaire, elle est équivalente à 10% de la rémunération brute totale versée pendant le contrat.

La prime proposée par le Medef pour les contrats d'usage sera aussi payée par l'employeur "à chaque fois qu'il y a une fin de contrat", à partir de "quelques contrats par mois", a précisé le dirigeant patronal.

Selon la proposition du Medef, dont Reuters a eu connaissance, elle sera versée quand le bénéficiaire aura eu au moins quatre CDD d'usage au cours des six derniers mois.

LA CFDT PAS SATISFAITE

La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, interrogée sur cette proposition par franceinfo, est restée sur la réserve.

"Ce qu'on demande aux partenaires sociaux dans cette négociation, c'est d'avoir une ambition forte et des démarches vigoureuses pour baisser les contrats courts en France", a-t-elle déclaré. "Quand on a un chômage de masse, on ne peut pas se permettre des mesures cosmétiques."

"S'il y a une mesure forte et aussi efficace (que le bonus-malus), on n'est pas fermé, mais il faut que ce soit aussi fort et efficace", a-t-elle ajouté. "C'est aux partenaires sociaux d'abord d'en discuter mais nous, on sera exigeants."

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Interrogé par RTL, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, qui a eu entre les mains mercredi soir les propositions du Medef, a pour sa part estimé que le système proposé par le patronat n'était pas satisfaisant "à l'heure qu'il est".

"On va voir cet après-midi s'ils évoluent. Si ce n'est pas le cas, il faudra qu'on assume le fait qu'il n'y a pas d'accord possible avec le patronat", a-t-il ajouté.

Pour Laurent Berger, le patronat ne peut revenir à la table des négociations qu'avec des "mesures choc".

"Si ce sont des mesures cosmétiques qui, en gros, visent à donner un peu plus à ceux qui subissent la précarité, quelques miettes, et pas à s'ancrer vraiment dans une lutte contre les contrats très courts, ça sera niet", a-t-il déclaré.

"C'est le patronat qui est en face de ses responsabilités aujourd'hui (...) Maintenant il faut qu'il mette sur la table des mesures efficaces contre la précarité", a-t-il ajouté.

Pour Laurent Berger, il conviendra de "responsabiliser les employeurs à travers un système de bonus-malus s'ils ne sont pas capables d'inventer quelque chose de plus intelligent", et ce sera alors à l'Etat d'assumer ses responsabilités s'il n'y a pas d'accord entre les partenaires sociaux.

Le dirigeant de la CFDT a dit ne pas être optimiste.

"Je crois qu'un certain nombre de branches professionnelles aujourd'hui font une espèce de pression sur le patronat, sur l'ensemble des acteurs", a-t-il expliqué.

Muriel Pénicaud a rappelé que neuf offres d'emploi sur 10 étaient aujourd'hui en contrat à durée déterminé ou en intérim et que 80% des CDD étaient des contrats de moins d'un mois.