Pourquoi les cryptos n'aideront pas la Russie à contourner les sanctions?

Investing.com - Les monnaies numériques ont connu une renaissance grâce à la guerre en l'Ukraine. Depuis que les banques russes sanctionnées ont perdu l'accès au système de paiement SWIFT, les investisseurs spéculent que l'État paria pourrait passer aux cryptos pour exécuter leurs transactions. En effet, la Russie se classe au 18e rang mondial en termes d'adoption globale des cryptos.

En outre, l'objectif même de la finance décentralisée est d'empêcher les intermédiaires, comme les gouvernements, d'exercer un contrôle unilatéral. Lorsque des changements doivent être apportés au protocole blockchain utilisé pour enregistrer les transactions, c'est l'ensemble de la communauté qui décide collectivement.

Les dirigeants occidentaux prennent cette possibilité très au sérieux et appellent à des mesures pour contrecarrer les possibles échappatoires.

Elizabeth Warren, membre de la commission bancaire du Sénat, et le vice-premier ministre ukrainien, Mykhailo Fedorov, ont tous deux mis en garde ces deux derniers jours contre le risque de voir les sanctions être défaites. "Je demande à tous les principaux échanges de crypto-monnaies de bloquer les adresses des utilisateurs russes", a-t-il écrit sur Twitter (NYSE:TWTR).

Les ministres de l'économie et des finances européens ont déclaré qu'ils allaient se pencher sur l'utilisation potentielle par la Russie des cryptomonnaies pour échapper aux sanctions qui lui ont été imposées à la suite de ses opérations en Ukraine.

"Nous prenons des mesures, notamment sur les crypto-monnaies ou les crypto-actifs, qui ne doivent pas être utilisés pour contourner les sanctions financières", a déclaré Bruno Le Maire. "Nous ferons le point quotidiennement sur la mise en œuvre de ces sanctions, sur leur efficacité et sur les mesures complémentaires qui pourraient être nécessaires". En matière de sanctions économiques et financières, nous voulons rester flexibles et mobilisés."

La présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, a appelé les législateurs de l'UE à approuver un cadre réglementaire sur les crypto-monnaies, faisant allusion à la possibilité d'empêcher la Russie de contourner les sanctions.

Aux États-Unis, les législateurs ont exercé une pression réglementaire similaire pour permettre au pays de bénéficier des actifs numériques, plutôt que des "despotes, terroristes et blanchisseurs d'argent du monde".

Si les oligarques russes peuvent déplacer leur richesse vers les cryptos, ce n'est pourtant pas une solution pour les entreprises russes en général. L'utilisation des cryptos se heurte rapidement à des limites lorsqu'elle est confrontée à la réalité. La taille peut en fait être un inconvénient à cet égard, car les grandes multinationales générant des milliards de revenus ne seraient pas en mesure d'effectuer efficacement leurs opérations.

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C'est une chose pour un individu de convertir ses économies de roubles en bitcoins ; tenter de faire fonctionner une économie entière sur cette base jour après jour est une toute autre affaire.

"Il n'y a tout simplement pas assez de liquidités crypto mondiales pour répondre aux besoins de la Russie", a écrit Asheesh Birla, vice-président senior des produits pour Ripple, la troisième plus grande monnaie numérique au monde.

Le réseau de SWIFT, après tout, relie plus de 11 000 institutions et 4 milliards de comptes dans plus de 200 pays du monde entier, dans le but de réaliser des transactions instantanées et sans friction. Chaque jour, il traite en moyenne 42 millions de messages financiers qui facilitent les transferts d'argent, le trafic ayant augmenté de 11 % l'année dernière. Ce type d'échelle et d'efficacité ne peut être reproduit, même avec la technologie financière décentralisée d'aujourd'hui.

M. Birla estime que la Russie effectue chaque jour près de 50 milliards de dollars de transactions de change, ce qui correspond à peu près à la valeur totale de toutes les transactions en bitcoins dans le monde, même lorsque les volumes atteignent des sommets : "Les besoins de la Russie engloberaient BTC et plus encore !"

Étant donné que tous ces systèmes laissent des empreintes de données, ils ne seraient pas nécessairement bien adaptés pour échapper aux régimes de sanctions, non plus.

Caroline Malcolm, responsable de la politique internationale chez Chainalysis, a déclaré que son entreprise peut signaler les paiements suspects, alertant immédiatement les gouvernements ou les clients de l'industrie afin qu'ils puissent prendre des contre-mesures.

"Nous avons vu cela dans le passé avec les sanctions, vous avez des exemples où les adresses de portefeuille ont été nommées comme des entités sanctionnées", a déclaré Malcolm.

Un autre problème est le coût élevé des transactions, connu sous le nom de "frais de gaz" sur la blockchain Ethereum. L'infrastructure n'est pas encore capable de traiter le volume dont un pays entier aurait besoin, ce qui entraînera probablement une flambée des coûts lorsque la demande de traitement dépassera la puissance de calcul.

Daniel Webber, directeur général de FXC Intelligence, une société de données financières spécialisée dans les paiements internationaux, affirme que de nouvelles blockchains telles que Solana seraient capables de traiter des volumes plus importants de manière efficace.

Mais il faudra du temps avant que le système financier russe et son industrie soient, tant du point de vue des coûts que de la technologie, disposés et capables de passer à la crypto. "Plus les sanctions de SWIFT durent et plus elles impliquent de banques, plus la demande sera créée pour résoudre certaines des limitations actuelles pour les crypto et les blockchains", a écrit Webber.