L'Amérique "de retour" au G7 mais les doutes persistent chez les alliés de Washington

Reuters

Publié le 11/06/2021 09:24

par Humeyra Pamuk, Andrea Shalal et Robin Emmott

WASHINGTON/BRUXELLES (Reuters) - En 2017, le président des Etats-Unis Donald Trump avait choqué les alliés occidentaux de Washington lors de son premier voyage en Europe, leur reprochant ne pas avoir payé leur "juste part" en matière de défense et bousculant physiquement un Premier ministre.

Après quatre années tumultueuses pour la relation transatlantique sous Donald Trump, les mots d'amitié de son successeur démocrate Joe Biden et sa promesse que "l'Amérique est de retour" - alors qu'il rencontre les alliés occidentaux cette semaine et la semaine prochaine - constituent un soulagement bienvenu.

Mais ils ne sont pas suffisants, selon les diplomates et les experts en politique étrangère.

Joe Biden doit faire face à des doutes persistants quant à la fiabilité de l'Amérique en tant que partenaire. Les dirigeants du G7, de l'Otan et de l'Union européenne s'inquiètent d'une politique américaine changeante et attendent des actions concrètes plus que des mots, après les années Trump.

"S'agit-il d'un interrègne entre Trump 1.0 et Trump 2.0? Personne ne le sait", a déclaré David O'Sullivan, ancien ambassadeur de l'Union européenne à Washington. "Je pense que la plupart des gens sont d'avis que nous devrions saisir les opportunités offertes par cette administration pour renforcer la relation et espérer que cela puisse survivre au-delà des élections de 'midterms' et de 2024."

Les dirigeants européens se sont montrés optimistes, saluant la survie du multilatéralisme, mais leurs doutes vont au-delà des souvenirs des années Trump.

La politique étrangère de l'administration Biden a envoyé des signaux mitigés, marqués par quelques faux pas et semé des doutes sur des domaines politiques clés comme la Chine, selon d'anciens responsables américains et des sources diplomatiques.

"Les partenaires de l'Amérique sont encore sous le choc de ce qui s'est passé sous Trump", a déclaré Harry Broadman, ancien haut fonctionnaire américain et directeur général du Berkeley Research Group. "Mais certains des messages de Biden ont également été décousus."

UNE POLITIQUE ÉTRANGÈRE POUR LA CLASSE MOYENNE

Seules quelques mesures concrètes de politique internationale ont vu le jour près de cinq mois après l'entrée en fonction de Joe Biden.

Et certaines des décisions prises par le président américain ont semé le trouble, comme le soutien - sans consultation préalable - à une dérogation aux droits de propriété intellectuelle à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour les vaccins contre le coronavirus et l'instauration d'un calendrier agressif pour le retrait des troupes américaines présentes en Afghanistan.

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Plusieurs diplomates occidentaux ont déclaré que les alliés avaient du mal à suivre ce calendrier, ajoutant qu'ils considéraient cette décision comme destinée essentiellement à la population américaine.

Joe Biden et son secrétaire d'Etat Antony Blinken n'ont d'ailleurs cessé de répéter que la politique étrangère des Etats-Unis devait avant tout profiter à la classe moyenne américaine.

Pour de nombreux gouvernements européens, cela sonne comme un euphémisme pour la devise isolationniste de Donald Trump "America First". "L'Amérique d'abord restera, sans aucun doute", a déclaré une source diplomatique occidentale.

UNE AMÉRIQUE MOINS DÉMOCRATIQUE ?

Selon de nombreux experts, de nombreux alliés étrangers des Etats-Unis se préoccupent aussi de l'état de santé de la démocratie américaine.

Jamie Shea, un ancien haut fonctionnaire de l'Otan qui travaille maintenant dans le groupe de réflexion Friends of Europe à Bruxelles, a déclaré à Reuters qu'il était préoccupé par le fait que le prochain président américain pourrait être un autre dirigeant de type Trump.

"Je pense donc que nous avons quatre ans", a-t-il dit. "Nous avons une période de temps limitée avec cette administration pro-européenne, pour cimenter un solide partenariat transatlantique en matière d'économie et de sécurité."

Le parti démocrate de Joe Biden détient une courte majorité au Congrès américain, ce qui rend difficile l'adoption de lois et la définition d'objectifs internationaux.

Dans un accord historique, les ministres des finances du G7 ont accepté le plan de la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, d'instaurer un taux d'imposition minimal mondial d'au moins 15% sur les sociétés, visant notamment une centaine de grandes entreprises à forte rentabilité. Les principaux représentants du parti républicain au Sénat ont immédiatement rejeté l'accord.