La Bourse de Hong Kong, un pion entre les mains de Pékin dans la guerre commerciale

 | 25/10/2018 08:35

Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr

Le 1er juillet 1997, Hong Kong a officiellement quitté la souveraineté britannique pour intégrer la République populaire de Chine.

Cette rétrocession était inévitable, après 156 années de domination britannique. Toutefois, certaines conditions spécifiques à l’île de Hong Kong ont offert un certain levier à Londres durant les négociations de sortie. Et même si la souveraineté chinoise s’est imposée, Pékin a dû accorder de nombreuses concessions aux Britanniques.

Parmi elles, le maintien de l’anglais comme langue officielle, le maintien d’une frontière avec la Chine, l’obligation de demander un visa pour les visiteurs venant de Chine continentale, le maintien d’un système législatif différent de celui de la Chine ou encore la confirmation de l’existence d’un dollar hongkongais émis par l’autorité monétaire de l’île.

Reste que la garantie de ces droits liés à l’autonomie est soumise au bon vouloir de la Chine. Or, peu à peu, l’Empire du Milieu a grignoté ces libertés. Réduit la liberté de la presse. Sanctionné les dissidents… Tant et si bien que l’autonomie de Hong Kong est aujourd’hui précaire et que l’île s’apparente davantage à une branche du Parti communiste de Pékin qu’à la cité-Etat dynamique et indépendante qu’elle fut autrefois.

J’ai vécu ces changements en direct. Mon premier voyage à Hong Kong remonte à 1982.

A l’époque, Hong Kong était la ville la plus énergique où j’ai séjourné, en dehors de New York. Elle était dynamique, riche et se développait rapidement, les gratte-ciels surgissaient et les enfants des réfugiés arrivés de Chine continentale dans les années 1950 avaient terminé leurs études depuis longtemps. Ils travaillaient dans les banques ou créaient leurs propres entreprises. Bref, l’avenir était resplendissant.

▶ Les communistes refusent toute dissidence
Lors de mes visites suivantes, dans les années 1990, au début des années 2000 et tout récemment, j’ai remarqué un changement notable. Les gratte-ciels étaient certes plus imposants, et la ville plus riche, mais l’énergie avait disparu. Les gens étaient démotivés car la main de fer de la Chine communiste s’était abattue sur eux.

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Lors de ma toute dernière visite, j’ai prononcé un discours à l’Asia Society, fin mai, et j’ai bel et bien entendu un membre de l’élite chuchoter à un autre : « Attention à ce que tu dis en public ». C’est logique dans la mesure où les communistes surveillent de près toute éventuelle dissidence.

Alors certes, Hong Kong est toujours riche, connectée et utile pour Pékin, mais l’indépendance et l’énergie se sont volatilisées. Hong Kong est désormais sous la coupe de la Chine continentale.

Il est important de le garder à l’esprit car c’est un élément clef, désormais, pour analyser les marchés de Hong Kong.

L’une des meilleures analyses sur la véritable situation de la Chine nous est offerte par Gordon Chang, qui ne s’appuie pas uniquement sur le lourd endettement du pays pour tirer ses conclusions. Voici son propos :

« La Chine évolue de l’autoritarisme vers le totalitarisme, en réadoptant un modèle ayant conduit la République populaire de Chine au bord de la faillite économique à deux reprises, la première durant le Grand Bond en Avant, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, et la seconde durant la Révolution culturelle, au milieu des années 1960 et jusqu’au milieu des années 1970. On ne peut s’attendre à ce que l’économie chinoise suive ces traces dans une atmosphère de plus en plus intolérante sur le plan politique, comme le suggère l’histoire même de ce pays.Et il existe une raison de plus de douter de la suprématie de l’économie chinoise : la démographie. Bientôt, la Chine rejoindra en effet les rangs des pays dont la démographie s’amenuise. Selon le document Les Perspectives de la Population Mondiale : la révision de 2017, publié par l’ONU, sa population enregistrera un pic aux alentours des 1,44 milliard d’habitants à la fin de la prochaine décennie, mais d’ici la fin de ce siècle, elle sera ramenée à 1,02 milliard d’habitants.Cette perspective de baisse démographique aura une incidence sur la concurrence de la Chine vis-à-vis des États-Unis. En 2015, la population chinoise était 4,4 fois supérieure à celle de l’Amérique. D’ici 2100, on estime que la population chinoise devrait être 2,3 fois supérieure à celle de l’Amérique.Cette prévision de baisse démographique en Chine – et souvenons-nous que les estimations de l’ONU semblent exagérer le potentiel démographique du pays – ne signifie pas que l’économie du pays ne peut pas réussir, mais cela signifie qu’elle devra réussir malgré la démographie. En outre, les quatre décennies d’essor de l’Empire du Milieu ont eu lieu au cours d’une période durant laquelle le pays a récolté un « dividende démographique, une extraordinaire augmentation du volume de sa main-d’œuvre.D’ailleurs, la main-d’œuvre chinoise diminue déjà, après un premier pic en 2011, selon les statistiques officielles…La Chine doit encore démontrer qu’elle peut sortir du redoutable « piège du revenu intermédiaire », et si elle n’y parvient pas, l’économie du pays ne dépassera pas celle de l’Amérique. Auquel cas, Pékin ne dominera probablement pas le système mondial qui est soi-disant en train de s’écrouler. Et sans une économie dynamique, l’Empire du Milieu ne pourra ni se moderniser, ni renforcer son armée, ni prendre les nations en voie de développement au piège de sa diplomatie de la dette, ni financer son projet de Nouvelle route de la soie ».
Bref, la Chine n’est pas – ou plus – l’invincible Dragon Rouge que l’on croit voir de l’extérieur. Elle n’est toutes choses égales par ailleurs qu’une économie en voie de développement de plus, lourdement endettée, avec un gouvernement totalitaire et pas vraiment en voie d’acquérir le statut de pays à revenus élevés.

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