EUR/USD : l’heure au dollar ?

 | 23/03/2017 12:49


Suite au ton très protectionniste du G20, l’euro est entré dans une période d’hésitation. Réunis à Baden-Baden en Allemagne, les ministres des finances et les banquiers centraux des plus grandes économies mondiales ont vu les Etats-Unis refuser de répéter cette année, en communiqué de presse, la volonté commune de lutter contre toute forme de protectionnisme. C’est une première qui, si elle ne pèse pas dans l’immédiat sur les changes, freine l’appétit pour le risque sur les marchés actions. Pour rappel, l’euro avait pris soudainement de la hauteur face au dollar au milieu du mois de mars.

En réaction à l’amélioration constante de la santé économique américaine, dans un contexte de relative maîtrise des prix, Janet Yellen, en accord avec le Comité de politique monétaire, a décidé de relever d’un quart de point le principal taux directeur fédéral. Et ce, comme l’anticipait une grande frange des salles des marchés. Là où l’institution s’est montrée une nouvelle fois accommodante, c’est qu’elle n’a pas du tout argumenté en faveur de quatre hausses sur l’ensemble de l’année 2017. Ce qui laisse donc le scénario de deux resserrements supplémentaires (trois au total sur 2017) possibles ; ceci restant crédible comme base de travail pour les allocations d’actifs.

Mais vu sous le prisme des changes, c’est la perspective d’un dollar un peu moins « rémunérateur » face à l’euro qui est à l’origine de ce réajustement sur la paire de devises. Aucun chiffre macroéconomique majeur à l’horizon ne figure à l’agenda à ce jour, avant les élections. Les inscriptions hebdomadaires de fin mars aux allocations chômage aux Etats-Unis, puis une batterie d’indicateurs PMI en zone euro seront de forts déterminants pour les fluctuations prochaines de la paire.

A l’inverse, le dollar n’a pas profité du relèvement des taux de la Fed du 15 mars alors qu’une telle mesure est généralement favorable à la monnaie du pays concerné : le billet vert a interrompu cinq semaines consécutives de hausse face à un panier de devises de référence. De la même façon, le rendement des bons du trésor à deux ans est tombé à 1,31% contre 1,40% avant les annonces de la Fed de ce mois de mars. « Il y a eu un certain nombre de réactions paradoxales sur plusieurs classes d’actifs, qui s’expliquent par la façon dont les investisseurs ont interprété les annonces de la Fed », explique Bernard Aybran, directeur de la multigestion chez Invesco.

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Après la réunion de la Fed et les élections aux Pays-Bas, et à défaut d’un agenda chargé en termes d’indicateurs, l’attention devrait revenir vers les réformes toujours espérées de Donald Trump en matières économique et fiscale et vers l’élection présidentielle en France. L’euro est reparti à la baisse face au dollar après la publication d’un sondage montrant une progression des intentions de vote en faveur de Marine Le Pen pour le premier tour de la présidentielle. Le président de la BCE a voulu rassurer sur les risques politiques pesant sur la zone euro. Au cours de sa conférence de presse du jeudi 16 mars, il a affirmé que la monnaie unique est «irrévocable».

«Irrévocable». C’est le terme que Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne a employé pour qualifier la monnaie unique. À l’issue de la réunion du Conseil des gouverneurs, il donnait son habituelle conférence de presse pour expliquer ses dernières décisions de politique monétaire. À six jours des élections générales aux Pays-Bas et à quarante-cinq jours du premier tour de l’élection présidentielle en France, les journalistes voulaient entendre le gardien de la monnaie unique sur la montée des partis anti-euro. L’éclatement de la zone euro? «Franchement, je ne l’anticipe pas. Il y a des tensions mais rien qui soit grave à ce point», a-t-il déclaré.

Le président de l’institution de Francfort a réaffirmé que l’euro est «le pilier» du marché unique. En substance, il a dit que sans euro, point de marché unique, et sans marché unique, point d’Union européenne. Ce qui ne l’empêche pas de convenir qu’il faut améliorer l’union monétaire, afin de la rendre plus prospère, pour le bénéfice de tous ses habitants. Mario Draghi est-il inquiet de la montée des partis anti-européens? Le président de la BCE s’est montré prudent dans ses réponses, se défendant d’avoir un rôle politique et rappelant que son mandat se borne à assurer « la stabilité des prix ». Pour autant, il a admis que « le risque géopolitique s’est accru ». Mais il visait là davantage le reste du monde que l’Europe.

Les incertitudes politiques n’empêchent pas la zone euro de dégager des perspectives économiques. Dans ses nouvelles prévisions, la BCE parie sur une croissance de la zone euro de 1,8% cette année, et de 1,7% l’année prochaine. Mario Draghi a relevé sa prévision d’inflation à 1,7% cette année (contre 1,3% précédemment) mais hors énergie, celle-ci ne sera pas suffisamment élevée pour justifier un relèvement rapide des taux d’intérêt. Comme attendu, la BCE n’a pas modifié ses taux ni son programme de rachat d’actifs qui permet d’alimenter la zone euro en liquidité. Ce programme, le QE (Quantitative Easing), sera réduit à partir du mois d’avril à 60 milliards d’euros par mois, contre 80 milliards jusqu’à présent, comme annoncé. Il est toujours prévu que ces rachats se poursuivront au moins jusqu’en décembre 2017, et se prolongeront si nécessaire.

Au cœur du programme économique du Front national, l’abandon de la monnaie unique pourrait entraîner une crise bancaire et financière sans précédent. Alors que l’avance de Marine Le Pen se consolide dans les sondages pour le premier tour de l’élection présidentielle, le débat sur la sortie de la France de l’euro prend de l’ampleur. La principale mesure du programme économique du FN inquiète la grande majorité des experts, qui prédisent une crise majeure sur la dette publique si elle était mise en œuvre, mais aussi une fuite massive des capitaux, ainsi que de graves difficultés pour les banques et des risques pour l’épargne des Français. L’abandon par la France de la monnaie unique porterait également un coup fatal à la zone euro, peut-être même à l’Union européenne. Bien qu’un tel événement reste encore très hypothétique, les grandes entreprises, endettées en euros et très sensibles aux risques de change commencent à évaluer les effets de ce scénario.


Une configuration technique totalement erratique…