CAC : on joue avec le feu

 | 01/06/2018 14:29

Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr

Nous vivons une époque formidable. Si, si ! Vous allez voir…

La semaine aura été riche en événements, avec entre autres la flambée des taux italiens et le plongeon du secteur bancaire (et notamment de Deutsche Bank (DE:DBKGn) hier). Les marchés respirent mieux ce matin après la signature d’un accord en Italie, comme Guillaume vous l’a expliqué, mais problème est loin d’être réglé. Il ne fait même que commencer…

Les gérants de taux ont déjà tranché : ils se sont violemment reportés sur LA valeur refuge européenne : le marché obligataire allemand.

En Espagne, une mention de censure a été déposée pour la destitution du chef du gouvernement Mariano Rajoy, qui a beaucoup de mal à se remettre de la condamnation de son parti (pour corruption) et qui vient d’admettre sa défaite.

Les relations entre l’Europe et les Etats-Unis sont pour leur part au beau fixe, avec la mise à exécution des menaces de taxation de l’acier et de l’aluminium européen par Washington. Bon, je vous le concède, vu ce qu’il nous reste d’industrie dans ce secteur, l’impact reste marginal…

Mais – beaucoup plus croustillant –, Donald Trump, fidèle à sa délicatesse légendaire en matière de négociations, en a rajouté une couche hier en menaçant d’interdire purement et simplement les voitures de luxe allemandes (ou à défaut de les taxer à 25%). Cela devrait sans doute provoquer quelques grincements de dents outre-Rhin, voire une riposte de Bruxelles. Pour peu qu’elle ne soit pour une fois pas uniquement verbale, la situation pourrait vite s’envenimer. C’est EXACTEMENT ce que nous avions prévu avec Philippe Béchade dans la stratégie mensuelle de mai. Voici ce que Philippe écrivait alors :

L’Allemagne… la prochaine cible de Trump ?L’Allemagne n’achète pas beaucoup de bons du Trésor américain, pas plus qu’elle n’achète beaucoup de biens et services aux États-Unis (à part des armes et des séries télé) ou auprès de ses partenaires européens vis-à-vis desquels elle dégage des excédents de quelques centaines de milliards depuis la création de l’euro (voir les soldes Target II, proches de +1 000 Mds€ en sa faveur).Donald Trump tient peut-être là une cible idéale : un pays structurellement exportateur, qui recycle une faible quantité de ses dollars en T-Bonds US (faible participation au financement des déficits US) et qui fait preuve d’un égoïsme que beaucoup de ses partenaires dénoncent.La priorité de l’Allemagne est, on le sait, le financement des retraites, ce qui coule de source pour un pays vieillissant. (Notons que de ce point de vue, le Japon est un pays encore plus vieillissant mais ses gouvernants ont choisi de monétiser la dette, de créer l’argent destiné aux retraités ex nihilo et de combler avec abnégation les besoins en liquidités du Trésor américain. L’Allemagne ne saurait adopter la même stratégie, étant viscéralement opposée à toute monétisation des dettes, y compris par solidarité avec ses partenaires directs…)Angela Merkel l’a solennellement réaffirmé devant le Bundestag mi-avril : l’Allemagne ne veut pas de ministre de Budget, pas de budget européen plus intégré, pas de FME « renforcé » (elle est déjà le premier contributeur du Fonds monétaire européen dans sa version actuelle) pour voler au secours de partenaires en difficulté. Angela a en fait opposé un triple « Nein » aux trois réformes majeures que défend Emmanuel Macron dans le cadre de son initiative (mort-née) de refonte et de relance de la dynamique européenne.Les médias tricolores ont peu rendu compte de cette triple humiliation, tout occupés qu’ils étaient à dénoncer les tracasseries causées aux « Français qui veulent bosser » par les cheminots en colère (avec de longs reportages sur les charmes du covoiturage et un panégyrique sur Blablacar, notre n°1 européen : cocorico !).Angela Merkel ne s’est pas montrée non plus très pro-active dans l’affaire Skripal (réticences à participer à la vague planétaire d’expulsion de diplomates russes, car Vladimir Poutine est le premier fournisseur de gaz de l’Allemagne) et n’a approuvé que du bout des lèvres les frappes de missiles à l’encontre de la Syrie du 14 avril.Cette tiédeur à coopérer avec les néoconservateurs va-t’en guerre américains, Donald Trump s’en servira à un moment ou un autre pour mettre la pression sur l’Allemagne.
Voilà, c’est donc fait. (C’est une des raisons pour laquelle nous avons d’ailleurs commencé à prendre certaines positions baissières sur l’Allemagne dans Béchade Confidentiel).

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Pour autant, le marché reste très « zen » et ne perd que 2% depuis vendredi dernier, ce qui, vu les événements que j’ai décrits, est une performance remarquable.

▶ Des pertes réduites malgré un environnement anxiogène

Ce matin, le CAC tente même un rebond (les sherpas tentent de balayer absolument toutes les positions baissières pour qu’elles ne prennent pas racine : ça fait mauvais genre). Mais la situation s’est nettement dégradée sur le moyen terme.

Je m’explique. Sur le moyen terme donc, la zone à risque que nous suivions depuis des semaines (pastille orange) a été validée. En cette fin de semaine, un nouveau signal technique pourrait être validé : c’est celui donné par l’indicateur d’inertie (le Stochastique Momentum Index), qui est en train de se retourner à la baisse alors qu’il se situe en zone de surachat (pastille orange).