2020 : l’année où les réseaux sociaux sont devenus un enfer

 | 25/11/2020 13:14

Du côté des réseaux sociaux, 2020 fut l’année de tous les maux. Fake news. Théories du complot. Infiltration de groupes extrémistes. Manipulation de l’opinion. Montée du sectarisme. Phénomènes d’addiction. Les Facebook (NASDAQ:FB), Twitter (NYSE:TWTR), YouTube sont de plus en plus pointés du doigt. Certains se demandent s’il n’est pas urgent de réguler leur activité. Oui, mais qui serait habilité à le faire : les gouvernements, une autorité neutre ou les acteurs eux-mêmes ? La question est loin d’être tranchée.

La mission initiale de Facebook était « de rendre le monde plus ouvert et connecté », puis, à partir de 2017, « de donner à chacun la possibilité de créer une communauté et de rapprocher le monde entier ». De son côté, la vocation de Google (NASDAQ:GOOGL) était « d’organiser les informations à l’échelle mondiale afin de les rendre accessibles et utiles à tous ».

Beaux programmes que voilà mais il faut reconnaître que ces objectifs louables sont loin d’être atteints. Aujourd’hui, les réseaux sociaux et d’autres plateformes ont basculé du côté obscur de la Force. Jamais le monde n’a dû subir une telle déferlante de rumeurs, de désinformations et de manipulations de l’opinion. Jamais la vie publique n’a été aussi divisée, les débats aussi polarisés, la société aussi fracturée.

La composante la plus active et la plus engagée de la galaxie des médias sociaux s’est transformée en un énorme ring où s’affrontent violemment les pro et les anti, que ce soit à propos de Donald Trump, de Didier Raoult, de la question du confinement, des masques ou des vaccins. A telle enseigne que de nombreux participants préfèrent désormais rester dans leur coin en s’isolant à l’intérieur de « chambres d’écho » où ils ne rencontrent plus que leurs semblables et évitent de devoir entendre une voix discordante.

h2 Des conséquences pas anodines/h2

Le problème, c’est que cette atmosphère empoisonnée où abondent les rumeurs de toute nature n’est pas confinée au monde virtuel. Elle a des retombées concrètes sur la réalité de tous les jours vécue par des millions de gens. Dernier exemple en date : le documentaire « Hold-up », qui dénonce un grand complot mondial à l’origine de la pandémie, lequel aurait pour but d’éliminer une partie de l’humanité.

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Diffusé d’abord sur la plateforme Viméo (qui l’a ensuite retiré de la circulation), il totalisait déjà 2,5 millions de vues le 16 novembre. Face au tollé suscité par sa diffusion, Viméo l’a rapidement retiré de la circulation, ce qui n’a fait qu’attiser encore davantage l’intérêt du public. Des centaines de versions de la vidéo ont été copiées et distribuées sur d’autre plateformes ainsi que sur les réseaux sociaux, faisant de celle-ci une sorte de must incontournable.

En supposant qu’une partie de l’audience de « Hold-up » croient à ces affabulations, cela signifie que des centaines de milliers de gens n’adhèrent pas à la version scientifiquement attestée de l’épidémie, celle d’un virus issu du contact de l’homme avec un animal. Ils préfèrent se complaire dans une vision complotiste du monde, celle d’une machination délibérée, fomentée par une élite cherchant à soumettre l’humanité. C’est une pente très dangereuse.

Les enquêtes d’opinion montrent que les individus qui croient à ce genre de thèses ont tendance à se méfier des institutions en général (politique, médias, experts, scientifiques). Ils sont les premiers à refuser de porter le masque et à boycotter les vaccins.  D’après les sondages, la moitié des Français refuserait de se faire vacciner ou hésiterait à le faire. Une vidéo complotiste comme « Hold-up », relayée par des centaines de groupes anti-vax sur les réseaux sociaux, risque d’accentuer cette tendance. Les conséquences au plan sanitaire seraient calamiteuses car tant qu’un grand nombre de gens refuseront de se protéger, le virus continuera de se propager.

h2 Le règne de la post-vérité et des fake news/h2

En 2020, l’intox sur les réseaux sociaux est passée à la vitesse supérieure. La peur née de la pandémie a libéré les imaginations et le conspirationnisme, autrefois cantonné dans les catacombes d’Internet, est devenu mainstream. Non seulement, les théories complotistes se diffusent partout mais elles sont parfois relayées par les grands médias, à leur tour débordés par le phénomène.

Lors des élections américaines de 2016, la désinformation était surtout le fait de personnages excentriques comme un Alex Jones du site Infowars. On y voyait aussi la main de puissances hostiles comme la Russie ou la manipulation d’officines obscures comme Cambridge Analytica. En 2020, c’est le président lui-même qui est le principal vecteur de la désinformation.  Ses tweets dénonçant des élections truquées ont été - repostés par des milliers de partisans et relayés par des médias totalement voués à sa cause comme Newsmax ou OANN. Ils accréditent l’idée que Joe Biden serait un président illégitime. Selon un sondage Politico/Morning Consult, près de 70% des républicains pensent que les résultats électoraux ont été faussés. C’est un dangereux précédent qui mine les fondements de la démocratie américaine.

h2 La réaction des réseaux sociaux, pour la forme/h2

Conscients de l’enjeu et craignant pour leur réputation et leur avenir, Facebook et Twitter sont intervenus pour freiner le tourbillon de la désinformation. En octobre, les deux réseaux sociaux ont banni tous les groupes inspirés par la mouvance Qanon, cette nébuleuse qui prétend que Trump combattrait en secret un culte satanique et pédophile dont feraient partie Barack Obama, Hillary Clinton, le Deep State ainsi que des stars d’Hollywood. Une fable à dormir debout mais qui a fait des milliers d’adeptes aux Etats-Unis et en Europe.

Lors de la campagne électorale, Twitter et Facebook ont également épinglé les tweets mensongers de Donald Trump concernant une prétendue fraude électorale massive (Twitter en a même supprimé quelques-uns). De son côté, Facebook a identifié et étiquetté 180 millions de fake news, en particulier sur la pandémie. En plus de ses modérateurs maison, Facebook a fait appel à des fact-checkers indépendants, afin que les fake news étiquetées soit corrigées par une mise au point factuelle.

Dans le documentaire « The Social Dilemma » (sur Netflix (NASDAQ:NFLX)), on voit de grosses pointures de la Silicon Valley regretter d’avoir ouvert la boîte de Pandore en créant l’architecture addictive des réseaux sociaux. Le film aborde l’ensemble des maux engendrés par ce qui est devenu pour beaucoup de gens, une composante essentielle de leur existence, voire un substitut de la vraie vie. Comme le créateur du Golem ou de Frankenstein, on sent que ces génies de l’informatique sont dépassés par la créature à laquelle ils ont donné naissance.

h2 Empêcher les dérives ou protéger la liberté d’expression ?/h2

D’un autre côté, Facebook est peut-être devenu un monstre mais c’est aussi un phénomène irréversible. Le réseau compte 2,7 milliards d’utilisateurs dans le monde et c’est une véritable poule aux œufs d’or. Par la voix de son patron Mark Zuckerberg, Facebook est conscient du rôle social qu’il est censé jouer (ou de l’image qu’il tente de donner) mais d’un autre côté, il ne désire pas perdre ses utilisateurs en limitant leur liberté d’expression. Le dilemme de Facebook consiste donc à lutter contre la désinformation sans jouer pour autant au censeur systématique. On en a eu un exemple récent avec le cas de Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump qui a déclaré sur les réseaux sociaux vouloir embrocher la tête du Dr Anthony Fauci sur une pique. Twitter a immédiatement et définitivement supprimé son compte tandis que Facebook lui a juste donné un avertissement.

Mark Zuckerberg et Jack Dorsey, patron de Twitter marchent sur des œufs car ils savent qu’ils ont beaucoup à perdre. Aux Etats-Unis, un certain nombre d’utilisateurs républicains et conservateurs, dégoûtés par ce qu’ils estiment être une censure de la part de Facebook et Twitter ont migré vers un autre réseau social dénommé « Parler », où leurs messages ne sont pas modérés. L’application « Parler » aurait été installée deux millions de fois entre le 3 et le 9 novembre. « Parler » fonctionne comme une sorte de chambre d’écho permettant aux conservateurs de rester entre soi.  Certains observateurs estiment qu’un tel réseau social non modéré, rassemblant tous les déçus de la présidentielle, constitue une bombe à retardement.

Quoi qu’il en soit, Facebook et Twitter voient d’un mauvais œil l’arrivée d’un concurrent qui se vante de respecter la liberté d’expression, même s’il est encore relativement modeste, limité à la sphère américaine et handicapé par son manque de diversité.

L’autre gros souci concerne le fait que Zuckerberg, Dorsey et d’autres ont été convoqués devant le Comité judiciaire du Sénat afin qu’ils s’expliquent sur leur politique de modération. Les sénateurs républicains leur ont reproché de manifester un biais anti-républicain et de censurer leurs idées. De leur côté, les démocrates leur ont reproché de n’en avoir pas fait assez pour bannir les messages incitant à la violence, l’une des rares exceptions où la liberté d’expression garantie par le premier amendement de la Constitution est invalidée. Les deux partis sont tacitement tombés d’accord pour considérer que la politique de modération de Facebook était incohérente.

Derrière tout ça se profile une menace, celle pour Facebook, Twitter et d’autres de perdre l’immunité au titre de la Section 230 du Communications Decency Act (CDA) selon laquelle aucun fournisseur ou utilisateur d'un service informatique interactif ne doit être traité comme l'éditeur ou l’auteur de toute information provenant d’un autre fournisseur de contenu d'information. Jusqu’ici, les réseaux sociaux ne pouvaient pas être tenus pour responsable et justiciables du contenu émis par leurs utilisateurs.

Mais en mai 2020, Twitter avait épinglé comme contraire à la Constitution deux tweets où Trump s’en prenait au vote par correspondance, considérés par lui comme une forme de fraude électorale.  Considérant que l’initiative de Twitter représentait une interférence dans les élections présidentielles à venir, Trump avait signé un décret prévoyant que les plateformes perdraient leur immunité s’il était prouvé qu’elles avaient altéré ou censuré des messages sans raison valable.  Comme il est probable que le Sénat restera majoritairement républicain sous la présidence Biden, Facebook et Twitter sont loin d’être sortis du bois. 

En 2020, les réseaux sociaux n’ont pas seulement été le miroir des énormes tensions qui traversent les sociétés confrontées à une crise multiforme. Ils en ont aussi été les catalyseurs. La vie virtuelle a certes apporté d’énormes bienfaits en permettant à des milliards d’individus confinés de rester en contact, de travailler, de se distraire, de continuer à vivre. Mais, elle a aussi creusé un fossé entre des groupes humains et a rendu les individus plus vulnérables et plus réceptifs aux rumeurs alors que l’époque requiert plutôt de trouver des terrains d’entente et d’avoir les idées claires pour prendre des décisions vitales.

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