Les autorités mondiales de l'aviation civile, réunies jeudi au Texas, se sont séparées après huit heures de discussions sans date de retour en service du 737 MAX, avion phare de Boeing (NYSE:BA) immobilisé au sol depuis le 13 mars.
"Le seul calendrier est de s'assurer que l'avion est sûr avant de voler", a déclaré Dan Elwell, le chef intérimaire de l'agence fédérale américaine de l'aviation (FAA), lors d'une conférence de presse.
Le responsable a ajouté que le "dialogue" allait se poursuivre, notamment des échanges d'informations entre régulateurs, mais a reconnu que "chaque pays prendra(it) sa propre décision" en toute indépendance.
Jusqu'aux déboires du 737 MAX, avait prévalu un système de réciprocité qui voulait que les autres régulateurs aériens s'alignent sur l'évaluation de l'autorité d'origine, en l'espèce la FAA.
La veille, Dan Elwell avait jeté un froid en révélant que Boeing n'avait pas soumis pour évaluation la mise à jour du système anti-décrochage MCAS, en raison de questions additionnelles.
C'est le dysfonctionnement de ce dispositif, mis en cause dans l'accident d'un 737 MAX 8 d'Ethiopian Airlines le 10 mars (157 morts) et d'un exemplaire similaire de Lion Air le 29 octobre en Indonésie (189 morts), qui a conduit à interdire provisoirement de vol cet avion, dernier-né du constructeur américain.
L'avionneur avait pourtant affirmé la semaine dernière que le correctif était prêt pour la certification.
- "Plusieurs mois" -
"Cela prend beaucoup plus de temps qu'anticipé, peut-être veulent-ils s'assurer qu'ils font bien les choses", relève Richard Aboulafia, expert chez Teal Group. "Il y a beaucoup de choses en jeu, notamment la première impression des régulateurs mondiaux" en examinant le correctif.
Pour Michel Merluzeau, "on s'oriente vers un retour en service qui risque de s'étaler dans le temps". Selon cet expert chez Air Insight Research, on peut imaginer une levée de l'interdiction aux Etats-Unis vers la fin de l'été et dans "plusieurs mois" dans les autres pays.
Les compagnies aériennes américaines exploitant le 737 MAX -- American Airlines, Southwest et United Airlines -- espéraient remettre l'avion dans leurs programmes de vol vers la mi-août au plus tard.
Le nouveau retard accusé par Boeing est dû au fait que la FAA - qui essaie de montrer son indépendance vis-à-vis du groupe américain - a adressé de nouvelles questions au constructeur, a expliqué M. Elwell.
Une fois que Boeing aura soumis toute la documentation au régulateur, il devra franchir d'autres étapes: la FAA va par exemple effectuer un essai en vol et une analyse poussée pour éprouver la sécurité de l'appareil.
American Airlines, Southwest et United, qui se sont réunies à Miami (Floride) la semaine dernière, estiment qu'il leur faudra de 100 à 150 heures de maintenance -- vérification du moteur notamment -- pour préparer leurs avions une fois levée l'interdiction de vol, a dit un porte-parole de la première à l'AFP.
En outre, la FAA n'a toujours pas déterminé quelle sera la formation adéquate pour les pilotes.
Les Etats-Unis et un grand nombre de pays dont le Canada divergent sur ce point: les premiers estiment qu'une formation sur ordinateur ou iPad est suffisante pour des pilotes chevronnés, quand Ottawa veut rendre obligatoire le passage des pilotes sur simulateur de vol.
L'Union européenne via l'AESA (agence européenne de la sécurité aérienne), le Canada ou encore le Brésil ont déjà indiqué qu'ils allaient effectuer leur propre évaluation du correctif du MCAS.
La Chine, premier pays à avoir cloué au sol le 737 MAX, est également une inconnue en plein regain de tensions commerciales entre Pékin et Washington.
- Besoin de transparence -
Près d'une soixantaine de représentants de 33 pays où volait le 737 MAX ont pris part à la réunion, tenue à huis clos.
"Il n'y a pas eu de critiques (...). La discussion a été franche", a affirmé Dan Elwell, ajoutant que ses pairs avaient posé "beaucoup de questions" et voulaient des "clarifications" sur les procédures américaines.
Le retour de la confiance sera long, des enquêtes d'opinion menées par Southwest montrant qu'un grand nombre de passagers ne sont pas prêts à monter tout de suite à bord d'un 737 MAX.
Et les pilotes sur lesquels les compagnies, Boeing et la FAA entendent s'appuyer ne semblent pas disposés à leur signer un chèque en blanc.
"Avant que le MAX ne retourne en service: nous avons besoin de réponses et de transparence", a ainsi réagi jeudi l'ECA, la fédération européenne des pilotes.
Au-delà de la réputation, la crise du 737 MAX devrait avoir un coût financier important alors que cet avion représentait près de 80% du carnet de commandes à fin avril.
Boeing, qui a suspendu les livraisons, ne perçoit plus d'argent des compagnies aériennes qu'il devra aussi indemniser pour leur manque à gagner.