Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Il semble évident pour les investisseurs qu’avec les montagnes de liquidités injectées par la FED, le futur s’annonce radieux pour les entreprises composant le Nasdaq100 (+5,6% depuis le 1er janvier), du moins pour 10 d’entre elles (les 5 GAFAM + Tesla (NASDAQ:TSLA) + Paypal + Netflix (NASDAQ:NFLX) + Nvidia (NASDAQ:NVDA) + Gilead (NASDAQ:GILD)) pesant plus de 6 500 Mds$ de capitalisation (sur les 10 500 du Nasdaq100, dont 5 500 pour les GAFAM). Leur pondération s’amplifier de 200 Mds$ par semaine depuis le 20 mars tandis que 70% des valeurs restent lourdement dans le rouge depuis début 2020.
L’effet d’aspiration des liquidités -en surabondance- par les 5 “titans” du Nasdaq “large” (les GAFAM pèsent 42%) et du S&P500 devient incontrôlable, par le jeu de la réplication indicielle passive qui entretient une spirale haussière auto-réplicatrice.
Cela donne lieu à des tentatives de rationalisation basées sur des scénarios relevant du conte de fées. Des commentaires font état d’une « reprise en V », d’un “retour aux bénéfices plus rapide que prévu” car les entreprises vont tailler à la hache dans leurs coûts, c’est-à-dire surtout leurs effectifs, et le recours massif au télétravail démontre que beaucoup peut être fait à distance… depuis l’Inde par exemple, et à bien moindre coût dans ce cas.
Autrement dit, des économistes nous annoncent à la fois une forte reprise aux Etats-Unis “en même temps” qu’un carnage sur le front de l’emploi parce qu’il faut bien faire rêver l’actionnaire.
Si des centaines de milliers d’emplois à haute valeur ajoutée (marketing, gestion de projets, “cloud”…) sont délocalisés vers l’Inde ces prochains mois (accélération d’une vague d’externalisation qui se propage depuis 20 ans), c’est une hécatombe de cols blancs qui se prépare d’ici la fin de l’année.
La théorie de l’enrichissement par la destruction créatrice
Et qui dit moins de salariés physiquement présents dans les entreprises dit :
– moins de déplacements en voiture (donc beaucoup moins de kilomètres parcourus et un véhicule qu’il devient moins urgent de remplacer)
– moins de repas pris sur le lieu de travail, donc réduction des effectifs pour la restauration collective
– une réduction de l’espace requis pour accueillir les équipes, donc des surfaces louées, ce qui annonce un cataclysme pour les foncières spécialisées dans l’immobilier commercial (murs de boutiques, plateaux open space, espaces de co-working…)
– beaucoup moins de déplacements professionnels par avion, remplacés par des téléconférences, ce qui présage des faillites par dizaines de compagnies aériennes et des centaines de milliers d’emplois perdus.
– beaucoup mois de trafic aérien, donc des avionneurs enregistrant des centaines d’annulations de commandes, donc des dizaines de milliers de suppressions d’emplois chez les constructeurs (Boeing (NYSE:BA), Airbus (PA:AIR), Embraer, ATR, etc.) et les sous-traitants.
– la plupart de ces salariés des secteurs dits de pointe et qui se retrouvent au chômage ont des crédits immobiliers sur le dos et ne pourront plus faire face : les ventes forcées pourraient provoquer un krach de l’immobilier aux Etats-Unis alors que les prix affichent des niveaux stratosphériques en Californie et à New York, donc une forte baisse de la demande et des besoins d’effectifs dans le secteur de la construction.
Je pourrais poursuivre la liste et vous démontrer de façon exhaustive comment des millions d’emplois vont être perdus et jamais réoccupés aux Etats-Unis et en Europe…
Dans ces conditions, comment continuer de miser sur une reprise en “V” ?
Et pour finir, comment illustrer la hausse de 5,6% du Nasdaq100 ?
Et bien imaginez une Twingo flambant neuve à sa sortie de l’usine le 2 janvier et vendue 8 733€ : faites-lui faire 3 tonneaux pour finir dans un platane.
Le prix de revente de l’épave est désormais de 9 220€.
Première explication, après le crash, ses 5 airbags -les GAFAM- ayant démontré leur efficacité valent soudain beaucoup plus cher… et cela compense largement la destruction de la carrosserie, du moteur et du châssis !
L’autre version, c’est que la FED prend entièrement à sa charge la remise en état du véhicule et vous paye le plein pour les 10 000 prochains kilomètres.
Donc le fonctionnement du capitalisme en mode “MMT” (Modern Monetary Theory, ou théorie de l’argent magique) est assez simple : cessez toute activité salariée, achetez des dizaines de voitures à crédit (avec un taux négatif en se débrouillant bien), balancez-les dans un ravin, faites-les rembourser par la banque centrale, encaissez vos 5,6% de plus-values…
Renouvelez cette opération de “destruction créatrice de valeur” autant de fois que nécessaire…