Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
C’est Goldilocks ! Le premier communiqué de la Fed, contresigné par Jerome Powell, c’est le portait du meilleur des mondes : plus de croissance en 2018 (prévision relevée de 2,4% à 2,7%) puis en 2019 (à 2,4% contre 2,1%) ; moins de chômage (anticipation révisée à la baisse à 3,6% contre 4% précédemment) ; et pas d’inflation, ni en 2018 (objectif maintenu +1,8%), ni en 2019 (+1,9%). La Fed pourrait donc se contenter de deux hausses de taux supplémentaires cette année et reporter l’option d’un 3e tour de vis sur 2019, la bonne santé de l’économie justifiant sûrement trois hausses de taux l’an prochain – mais pas cette année, cependant. Tout va bien : il s’agit juste d’un réaménagement du calendrier comportant six hausses entre 2018 et 2019. L’objectif reste à 3%, un niveau adéquat dans l’hypothèse d’une inflation à 2% qui serait atteint en 2020, malgré des pénuries de main-d’œuvre dans les métiers du bâtiment.
Même avec un chômage sous 4%, l’enclenchement de la fameuse « courbe de Phillips » (qui lie l’inflation au plein emploi, c’est-à-dire un taux de chômage inférieur à 4,5%) n’est toujours pas d’actualité. Le taux de participation de la population active est également redevenu supérieur à 63%, comme le souligne Jerome Powell – et les dizaines de millions d’invisibles qui sont sortis du système pourraient y refaire leur entrée si des jobs pas trop techniques redevenaient accessibles moyennant quelques semaines de formation (le bâtiment offre de nombreuses possibilités). Le nouveau patron de la Fed valide implicitement cet état de fait en réaffirmant que de longues séries de données sur le marché de l’emploi invitent à anticiper que les pressions à la hausse sur les salaires resteront contenues.
Résumons donc les bonnes nouvelles de la Fed
Le cycle de croissance inauguré en mars 2009 n’est pas terminé, loin de là : ça tiendra à plus de 2% au moins jusqu’en 2020 (puisque la Fed a relevé ses prévisions jusqu’en 2019).
Le plein emploi ne créera pas d’inflation.
La troisième bonne nouvelle va faire bien plaisir à Wall Street : les actifs financiers sont chèrement valorisés… mais c’est justifié vu les bonnes perspectives économiques et une politique monétaire qui demeurera accommodante !
Même si quelques mouvements de correction se matérialisent, la Fed ne détecte pas de vulnérabilités particulières et le système financier semble le plus solide qu’on ait observé depuis 10 ans. Le coup de stress qui avait secoué Wall Street début février avait été motivé par une apparente accélération de la hausse des salaires (vers +2,9% en rythme annuel) mais ce n’était qu’un chiffre, et un chiffre ne fait pas une tendance. La preuve : le « retour à la normale » dès l’enquête de février, avec un score de +2,6% qui a rassuré tout le monde. Wall Street s’est donc alarmé trop vite et les 8% à 10% de repli sont liés à des facteurs techniques (leviers excessifs pour shorter la volatilité) qui ont contaminé les indices boursiers et précipité leur chute. Ce ne fut qu’une malheureuse coïncidence !
La correction de février est donc une bonne nouvelle, et à double titre : elle prouve que les marchés sont capables de souffler quand ils deviennent ponctuellement surachetés, et que, lorsque cela décroche trop fort, cela procure des opportunités d’achat.
Alors faut-il acheter les deux prochaines années de croissance ?
Non. Nous n’achetons pas la prolongation du cycle de croissance jusqu’en 2020 (12 ans, ce serait du jamais vu) que nous vendent Jerome Powell et ses collègues. Nous n’achetons pas non plus la théorie du plein emploi sans inflation. Nous n’achetons pas, enfin, la « non vulnérabilité » des marchés – ce même discours avait été servi par la Fed lors de la faillite de Bear Stearns en mars 2008 avec l’excuse de « l’accident isolé » lié à une imprudence sur un étroit segment de produits dérivés : les « subprime ».