Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Apprécié des investisseurs, le BX4 a vocation à tirer profit de la baisse du CAC40. Ce tracker inversé n’est cependant pas sans risques, surtout à long terme. Notre expert Mathieu Lebrun, familier de ce produit, s’en explique, exemples chiffrés implacables à l’appui…
Peut-être étiez-vous déjà au courant, mais à l’occasion d’un séminaire d’entreprise en Normandie, dans le superbe château de Courtomer, plusieurs de mes confrères et moi-même avons échangé avec un certain nombre de mes abonnés. Nous avons évoqué la configuration des marchés, ma méthodologie, mais aussi un sujet – ou plutôt un produit – dont je vous ai déjà souvent parlé : le BX4.
Pour rappel, il s’agit d’un tracker inversé de levier 2 et de l’un des rares produits éligibles au PEA qui permet à l’investisseur de capitaliser sur la baisse du CAC40. Le BX4 est très apprécié de nombreux opérateurs et il me semblait important en ce jeudi de revenir sur une notion de base inhérente à son fonctionnement : le béta slippage, c’est-à-dire le phénomène qui explique pourquoi les trackers ETF à effet multiplicateur baissent sur le long terme.
Derrière ce terme quelque peu barbare se cache une notion essentielle pour comprendre le fonctionnement du BX4. Le béta slippage révèle en effet la décroissance naturelle et implicite de la valorisation du tracker baissier au fil du temps. Dès lors, s’il peut être utile d’en acheter pour des phases courtes (quelques jours, quelques semaines tout au plus), je le déconseille fortement s’agissant d’investissements au long cours.
Afin d’étayer mon propos, prenons l’exemple d’un CAC40 à 5 000 points au premier janvier et d’un BX4 au cours théorique de 10 € ce même jour. Imaginons maintenant que l’indice phare s’envole de 5% le lendemain pour coter 5 250 points. Concomitamment, le cours du BX4 chute de 10% – c’est un produit de levier 2 – et ne cote plus que 9 €. Le 3 janvier, le CAC40 efface la totalité de ses gains de la veille et revient donc sur des niveaux de 5 000 points. Retour à la case départ donc, mais pas pour le BX4… En effet, si passer de 10 à 9 € traduit un recul de 10%, le fait de devoir ensuite remonter de 9 à 10 € ne nécessite plus « seulement » une hausse de 10%, mais d’un peu plus de 11%. Cela peut sembler anecdotique, mais je crois tout de même qu’il faut être conscient de cette dérive baissière habituelle du produit.
Si vous aviez la bonne idée d’être short sur le CAC40 le 8 juin dernier quand l’indice cotait au-delà des 5 200 points, le BX4 cotait pour sa part autour des 2,90/2,95 € au plus bas (cf. les flèches rouges et vertes sur mes deux graphiques ci-dessous).
Une érosion naturelle
Sauf qu’en l’absence de tendance depuis, malgré un CAC40 qui hésite dans une zone comprise entre 5 000 et 5 100 points, le cours du BX4 oscillait toujours autour des 2,90/2,95 € hier… Ceci alors même que le CAC évolue entre 100 et 200 points plus bas que son top du 8 juin (soit une décrue de 3%) ! Il existe donc un différentiel naturel, par-delà le versement de certains dividendes, attendu que ceux-ci sont devenus une denrée rare cette année, crise du Covid oblige, comme je l’évoquais avant-hier dans ces colonnes.
En supposant que le CAC40 finisse à terme par refluer disons vers les 4 500 points, une hypothèse crédible, le cours du BX4 finira mécaniquement par suivre. Entretemps toutefois, ce sera surtout le market marker du produit (la banque donc) qui en aura profité.
Pour synthétiser, le problème du BX4 réside dans le fait qu’il soit calculé quotidiennement, ce qui tend à altérer sa performance dans la durée. Pour faire simple, le tracker peut performer dans des phases linéaires, et si vous avez raison dans les jours ou semaines qui suivent votre entrée en position sur la baisse du CAC40 et que celle-ci intervient rapidement, alors oui le produit va bien « coller » à ce mouvement. Pour autant, je ne saurais que trop vous recommander de ne pas tenter le diable en vous laissant embarquer dans des phases plates, sans tendance et comprenant des phases de volatilité ou d’indécision. Vous paierez alors plein pot l’érosion naturelle du produit…
D’aucuns pourraient faire valoir qu’une perte de valeur intrinsèque que j’évalue selon mes calculs autour de 1% par mois peut paraître anodine. Admettons, mais imaginez si vous tenez la position pendant une année… Auquel cas, sans même parler du scénario défavorable suivant lequel le CAC40 monterait (ce qui ferait donc baisser deux fois plus le cours du BX4), un simple « range » de l’indice entraînerait une perte grandissante de la valeur du tracker en données annualisées.
Autant l’éviter !